Individu VS Politique : qui sauvera le climat ? - Osons Comprendre

Individu VS Politique : qui sauvera le climat ?

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On nous dit partout "les comportements individuels doivent changer pour le climat". On le sait tous. Mais jusqu'où ces actions individuelles peuvent-elles nous mener ? Lesquelles ont le plus d'impact ? Et surtout, la décarbonation de l'économie française ne dépend-elle pas surtout de choix politiques ?

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Points clés

  • Pour maintenir le réchauffement climatique sous les 2°, l’empreinte carbone d’un François doit passer de 10.8 tCO2e/an aujourd’hui à 2t CO2e en seulement 30 ans.
  • Pour y parvenir, il est important de prioriser les actions individuelles qui ont le plus d’impact. Réduire la part et surtout se débarrasser de la viande dans son alimentation, arrêter les vols en avion, utiliser le moins possible sa voiture, consommer le moins possible de vêtements et de high-tech et réfléchir à mieux isoler et moins chauffer son logement sont des actions individuelles qui réduisent beaucoup les émissions de GES.
  • Tous les Français n’émettent pas autant de GES. Les plus riches ont un impact 8 fois plus gros sur le climat que les pauvres. On n’a donc pas tous la même responsabilité, la même nécessité de “réduire nos émissions de GES” en changeant nos comportements. Chacun a une part à faire mais cette part n’est pas la même pour tout le monde 🙂
  • Même avec un peuple de super colibri, même avec des moines du climat, les petits gestes, l’action individuelle sont loin d’être suffisants pour parvenir à l’objectif des 2t CO2e/an/pers.
  • Avec des efforts individuels ambitieux mais réalistes, on parvient à réaliser un quart du trajet vers cet objectif. Les trois quart du chemin sont des réductions à aller chercher au niveau collectif.
  • Pourquoi ? Parce que le collectif est une bien meilleure échelle pour résoudre notre problème. C’est là où se situe la majorité des changements à faire.
  • Malgré ça, “l’éco responsabilité” n’est pas à jeter à la poubelle non plus. Elle peut résoudre un quart du problème, ce qui n’est pas rien, et est souvent absolument nécessaire. Surtout que, en réalité, nos choix de consommation sont aussi des actions politiques. Is créent des débats dans la société, ils changent notre culture, nos modes de vies et, donc, ils rendent possibles les choix collectifs et politiques dont dépend 75 % du travail vers les 2 t d’émissions par Français.

Sources et références

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ERRATUM JUIN 2021

Nous nous sommes aperçu d’une erreur dans la vidéo.

Le graphique sur la consommation de viande est mal interprété. Il ne s’agit pas de DECILES DE REVENU mais de DECILES DE CONSOMMATION DE VIANDE

L’argument des inégalités sociales reste vrai mais le graphique mobilisé est mauvais.

Une source pour comprendre les inégalités sociales de consommation de viande :

On y voit que les 25 % les plus pauvres consomment 20-25 % de viande en moins que la moyenne française alors que les 25 % les plus riches en consomment 30 % de plus.
Les données sont tirées de l’enquête Budget de l’INSEE et couvrent la période 2000 – 2010.

 

L’objectif de 2 t d’équivalent CO2 par personne et par an

La France, comme tous les pays du monde, doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique.

L’Accord de Paris, signé en 2015 pour la COP 21, fixe la feuille de route pour limiter le réchauffement climatique sous les 2° d’élévation moyenne de température par rapport à l’ère préindustrielle.

Pour la France, ça veut dire, d’ici à 2050, faire passer son empreinte carbone de 10.8 tonnes d’équivalent CO2 (la mesure utilisée pour faire s’équivaloirs tous les gaz à effet de serre) par an et par personne à seulement 2 tonnes. Nous disposons donc de 30 ans pour réduire de 80 % l’empreinte carbone de la France et, donc, de chaque Français.

Un graphique, tiré de la page 7 du rapport de Carbone 4 “Faire sa part que nous mobilisons dans la vidéo, résume bien la marche à franchir.

Ce graphique vous montre, pour 2017, l’empreinte carbone annuel moyenne d’un Français selon les différents secteurs.

Un point, d’abord, sur le concept d’empreinte carbone. L’empreinte carbone est une manière de compter les émissions de gaz à effet de serre d’un pays qui se distingue de l’inventaire national. Compter les émissions selon la méthode de l’inventaire national, c’est faire la somme de toutes les émissions de GES réalisées sur le territoire d’un pays, peu importe que les émissions soient réalisées pour satisfaire la consommation de ce pays ou qu’elles soient consommées dans un pays tiers. L’empreinte carbone permet de mieux saisir les émissions de GES impliquées par le mode de vie du pays. Pourquoi ? Parce que l’empreinte carbone inclut les émissions importées. Eh oui, lorsqu’on consomme des produits chinois, il n’y a aucune raison pour que les émissions de GES nécessaires pour les produire soient comptées pour la Chine.

La formule de l’empreinte carbone de la France est donc la suivante :

Empreinte carbone de la France = inventaire national des émissions françaises + émissions de GES liées aux importations – émissions de GES liées aux exportations.

En 2017, l’empreinte carbone annuelle moyenne d’un Français était de 10.8 t CO2e. Pour maintenir le réchauffement climatique sous les 2°, il nous faut donc la réduire de 80 % pour la faire passer à 2 t CO2e/an/personne.

Attention, malgré quelques glissements de vocabulaire dans la vidéo,  nous ne parlons pas ici, au sens strict, du concept d’émissions “soutenables”.

Certains auteurs envisagent un seuil d’émissions maximales pour atteindre la neutralité carbone. Ce seuil, qu’ils appellent “soutenable” est compliqué à calculer. Dans cette vidéo, nous retenons uniquement le seuil “compatible avec l’accord de Paris et, donc, les 2°” qui est fixé à 2t CO2e/pers/an.

Les actions individuelles les plus efficaces : notre graphique.

Nous vous avons résumé dans un graphique les actions individuelles qui, selon nous, ont le plus d’impact pour réduire les émissions de GES individuelles.

Précisions d’abord qu’il s’agit, évidemment, d’une approximation destinée à donner des ordres de grandeurs. Il nous est impossible de calculer précisément, dans la situation précise de chaque individu, quelle action a vraiment le plus d’impact. Néanmoins, nous jugeons ce tableau utile comme point de repère. Quelles sources avons-nous utilisées ?

La source principale pour réaliser ce graphique est le rapport de Carbone 4 cité plus haut.

Nous avons repris leurs chiffres quasiment à l’identique (ils détaillent leur méthodologie à la page 8 de leur rapport).

Nous avons seulement modifié deux chiffres : les émissions liées à la consommation de vêtement et celle liée à la consommation de produits high-tech et d’électroménager.

Dans l’étude de Carbone 4, la consommation de vêtement est divisée par 3 par rapport à aujourd’hui et celle de produits high-tech est réduite à 0. Dans les deux cas, nous avons préféré retenir une division par 2 de la consommation de ces produits.

Pour calculer les émissions des trajets en avion, nous nous sommes basés sur le calculateur mis en ligne par la Direction général de l’aviation civile (DGAC).

Grâce à ce calculateur, nous avons pu évaluer les émissions suivantes.

AR Paris (CDG) – NYC (JFK) = 1.05 t CO2e

AR Paris – Bangkok = 1.682 t CO2e

AR Mulhouse – Lisbonne = 296 kg CO2e

AR Nice – Manchester = 260 kg CO2e

AR Bordeaux – Berlin = 276 kg CO2e

Pour calculer les émissions de GES évitées par un régime alimentaire flexitarien, nous nous sommes basés sur les calculs de l’ADEME.

Dans sa “Base Carbone”, l’ADEME évalue l’impact d’un régime flexitarien à 85.7 kgCO2e/pers/mois et celui d’un régime alimentaire “classique” à 136 kgCO2e/pers/mois. La différence sur un an entre les deux régimes est donc de 603.6 kg, la valeur que nous retenons dans notre graphique.

D’ailleurs, une étude réalisée en 2016 par le cabinet de conseil et d’expertise environnementale Eco2 Initiative permet de comparer les impacts sur le climat de grands changements de pratiques alimentaires : manger moins de viande, arrêter la viande rouge, manger des produits de saison, manger local et manger végétarien de saison. Un graphique résume leurs conclusions :

On y voit ici qu’incontestablement, la pratique alimentaire la plus efficace du point de vue des émissions de gaz à effet de serre est d’arrêter la viande rouge ou, encore mieux, devenir végétarien.

En outre, nous avons choisi de mettre en évidence que “passer à un fournisseur d’électricité vert” ne donnait lieu à aucune réduction d’émission de GES.

Nous fait ce choix car de nombreux articles de presse – et surtout, l’AFP –  citent une étude mondiale qui évalue l’impact d’un passage à de “l’électricité verte” à + d’une tonne de CO2e/an.

Cette valeur est vraie pour des pays où l’électricité est encore largement produite avec de l’énergie fossile. Mais ce n’est pas le cas en France. Les barrages hydroélectriques et les centrales nucléaires nous permettent d’avoir une des électricités les moins émettrices de GES d’Europe.

Un petit graphique pour s’en convaincre. Il nous a été révélé par l’excellent blog au Monde de Sylvestre Huet, journaliste spécialisé en sciences et climat. L’auteur du graphique est Thomas Auriel.

On voit bien, sur ce graphique, qu’en 2018, la France a produit son électricité en émettant 4 à 5 fois moins de GES que l’Allemagne.

On y remarque, au passage, que l’intensité en CO2 de la production d’électricité française varie très peu – tous les points rouges se situent entre 25 et 100 gCO2e/kWh. C’est le cas des électricités suédoises ou norvégiennes – qui s’appuient aussi sur du nucléaire et des barrages – mais ça n’est pas le cas de l’électricité portugaise qui, elle, varie de 50 à 600 gCO2e/kWh. Cette extrême variation s’explique par la forte pénétration des énergies renouvelables au Portugal (éolien, solaire). Quand ces énergies produisent, l’électricité portugaise est décarbonée mais, quand il n’y a ni vent ni soleil, le Portugal produit son électricité avec des énergies fossiles.

Voilà, vous avez toutes les informations pour comprendre la méthodologie de notre graphique.

Les actions individuelles les plus efficaces : d’autres sources

Il existe bien évidemment d’autres manières de montrer les actions individuelles les plus efficaces.

Parmi celles-ci, on peut souligner cette infographie (p.71) produite par le ministère du développement durable, à partir des données de l’ADEME,. Elle montre quelles actions équivalent à 3 tonnes d’équivalent CO2. Chacune des actions ci-dessous excède déjà la limite des 2t CO2e/an/personne qu’il ne faut pas dépasser pour maintenir le réchauffement climatique sous les 2°. CHACUNE.

Les riches doivent plus réduire leurs émissions que les pauvres.

Entrons maintenant dans l’argument qui pique un peu. Tous les Français ne sont pas égaux devant les émissions de GES. Le chiffre de 10.8 t n’est qu’une moyenne qui masque d’immenses inégalités entre les plus riches et les plus pauvres.

Commençons par regarder les faits en face. Le graphique suivant est basé sur les données d’une excelentissime étude de 2015, malheureusement en anglais, de Thomas Piketty et de Lucas Chancel. Vous pouvez trouver une autre version de notre graphique ici.

On y voit que les 10% de Français les plus riches ont une empreinte carbone de 31.2 t CO2e/pers/an. Soit trois fois l’empreinte moyenne. Les 10% les plus pauvres, en revanche, n’émettent que 3.8 t CO2e par an. Les plus riches émettent donc 8 fois plus que les plus pauvres. Ils ont donc une responsabilité bien plus importante dans le réchauffement climatique et, par conséquent, ont encore plus d’efforts à fournir pour modifier leurs comportements individuels afin de contenir le réchauffement climatique sous les 2°.

Regardons maintenant les inégalités d’émissions de GES par secteurs.

Nous vous reproduisons ici un graph d’Alternatives Economiques qui illustre bien cet état de fait. Il est tiré de données d’un rapport de 2010 du Commissariat général au développement durable (p.173).

On y voit que les ménages appartenant au sextile les plus riches (les 16.6% de Français les plus riches) émettent 3 fois plus de GES liées à la mobilité. On y remarque aussi que le gros de la différence est dans les déplacements longue distance (+ 80 km) où l’avion est le mode de transport roi.

Qu’est-ce qui nous permet d’affirmer que les plus riches utilisent davantage l’avion pour leurs déplacement longue distance ? Le rapport du Commissariat général au développement durable, sur lequel se base le graphique d’Alternatives Economiques, nous enseigne à la page 173, que les plus riches parcourent en moyenne 12 565 km par an pour leurs déplacements longue distance. Pour parcourir autant de kilomètres, il faut prendre l’avion. A titre de comparaison, les 16.6% de Français les plus pauvres ne parcourent en moyenne que 3 143 km annuels pour leurs déplacements longue distance.

Jusqu’où des actions individuelles peuvent décarboner la France ?

Là, il nous faut retourner à l’étude de Carbone 4 déjà citée. Tout son propos est de répondre à cette question. Pour ce faire, elle construit d’abord l’hypothèse d’une France peuplée d’individus qu’elle nomme “héroïques”, qui modifient en profondeur leurs comportements pour diminuer leur empreinte carbone. Ces individus héroïques, nous préférons les appeler “moines du climat”.

Les hypothèses retenus pour construire ces “moines du climat” sont détaillées à la page 8 de l’étude de Carbone 4 que nous vous reproduisons ici.

On y voit que ces “moines du climat” héroïques ont totalement bouleversé la France que nous connaissons. Ils ne prennent jamais l’avion (aucun avion ne décolle ni n’atterrit en France), ils ne mangent plus du tout de viande ou de poisson, ils ne prennent plus la voiture pour les trajets courts et, quand ils la prennent, ils sont 2.2 en moyenne par voiture, ils achètent trois fois moins de vêtements, etc.

Jusqu’où la France peut-elle se décarboner si tous les Français se transformaient instantanément en “moines du climat” ?

La page 17 de l’étude résume bien cette question.

On y voit que, si on ajoute aux changements de comportement individuels de nos “moines du climat” héroïques des investissements héroïques (tout le monde rénove son logement, tout le monde remplace sa voiture par une électrique), l’action individuelle ne peut réduire nos empreinte carbone que de moitié (45% précisément).

Pour arriver au 2t CO2e compatibles avec l’accord de Paris, il reste 35 % d’émissions à réduire et cette réduction sera nécessairement collective, systémique. Elle dépend de la volonté de l’Etat, des entreprises et, surtout, du cadre réglementaire.

Si, maintenant, on envisage un scénario plus réaliste, où tous les Français ne seraient pas tous aussi déterminés que nos moines, jusqu’où pourrait-on décarboner la France avec des actions individuelles ?

Si tous les Français ne sont pas des “moines du climat” sur tous les sujets (certains mangent encore de la viande, prennent encore l’avion, n’isolent pas leur logements, etc.) les actions individuelles ne peuvent fournir que un quart de l’effort vers l’objectif de 2t CO2/an/pers.

Cela veut donc dire que les trois quarts de l’effort, 75 % du travail, dépend de choix collectifs : de la volonté de l’Etat, des entreprises et, surtout, du cadre réglementaire.

L’importance de l’Etat dans la transition énergétique, nous l’explicitons “à notre sauce” dans la vidéo. Le rapport de Carbone 4 constitue une source pour appuyer notre argument. La page 17

explique pourquoi, selon les auteurs, l’Etat est un acteur crucial pour aller chercher les 75 % d’effort restant.  La voici reproduite pour vous.

Bonus : le bilan carbone d’un zadiste

C’est marrant, la mission de médiation du projet de Notre-Dames-Des-Landes a commandé au  même cabinet d’étude Carbone 4 un rapport sur le coût carbone de la construction de l’aéroport de NDDL.

Carbone 4 a donc évalué précisément les émissions de GES supplémentaires induites par le choix “construire un nouvel aéroport à NDDL” par rapport à la situation initiale “garder l’aéroport Nantes Antlantique”.

Les résultats sont présentés page 4 du rapport. Vous y reconnaîtrez la patte graphique “Carbone 4” 🙂

On y voit que l’empreinte carbone du choix NDDL est supérieur à celle du choix NA d’exactement 190 kt CO2e sur 20 ans.

Avec ce chiffre, nous pouvons aisément estimer les émissions de GES évitées par un zadiste de NDDL.

190 kt CO2e c’est 190 000 t CO2e.

Si on considère que, sur la ZAD a accueilli 10 000 zadistes, chaque zadiste a donc évité l’émission de 19 t CO2e dans l’atmosphère pendant les 20 ans pris en compte par l’étude. Soit un joli total de 950 kg CO2 évités chaque année pendant 20 ans !

Le bilan carbone de l’action individuelle “je lutte contre la construction d’un aéroport qui accroîtra le trafic aérien à NDDL” est donc colossal ! Et personne ne mentionne jamais ces luttes collectives extrêmement efficace dans les tableaux, articles ou vidéos qui abordent les “actions individuelles”. Elles sont toujours réduites aux “petits gestes” et négligent, selon nous à tort, les actions collectives et politiques.