Qui fait la loi dans l'UE ? Partie 1 : les acteurs clés - Osons Comprendre

Qui fait la loi dans l'UE ? Partie 1 : les acteurs clés

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Qui a le pouvoir d'écrire les lois de l'UE : les directives européennes ? Pour le savoir, il faut d'abord comprendre quels sont les acteurs clefs de l'UE. Commission européenne, Parlement européen, États réunis en Conseils, lobbies : à la fin de cette première partie, ils n'auront plus de secrets pour vous.

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Points clés

  • Le Parlement européen est la seule institution européenne directement élue par le peuple européen. Les députés sont élus pour cinq ans, dans chaque Etat membres, au suffrage proportionnel. Les députés européens ne siègent pas par pays mais se regroupent selon leurs affinités politiques dans des partis politiques européens.

 

  • Les Etats sont représentés principalement dans deux Conseil. Le Conseil européen regroupe les chefs d’Etat et de gouvernement. Son rôle est de fixer les grandes orientations des futures lois de l’UE. Le Conseil de l’Union européenne est plus opérationnel. Il regroupe les ministres des Etats membres et travaillent concrètement les dossiers.

 

  • La Commission européenne peut être comparée à un gouvernement. Les commissaires en seraient les ministres et le Président de la Commission européenne le Premier ministre.

 

  • Les commissaires sont nommés par le Conseil pour cinq mais doivent recevoir un vote de confiance du Parlement. La composition de la Commission reflète donc les équilibres politiques du Parlement européen. La Commission est responsable politique devant le Parlement mais ce dernier doit réunir une majorité des deux tiers pour censurer la Commission. C’est beaucoup plus que pour censurer un gouvernement national.

 

  • La Commission européenne ne doit pas être réduite aux seuls commissaires européens. Derrière eux travaillent plus de 30 000 fonctionnaires. Les Directions générales de la Commission européenne sont parfois plus influentes, parce que mieux renseignée et davantage rompues aux arcanes du pouvoir bruxellois, que leurs chefs, les commissaires européens.

 

  • Les lobbies sont le 4ème acteur, officieux cette fois, de la politique européenne. Il y a plus de 80 000 lobbyistes qui cherchent à influencer la politique européenne. Ils représentent principalement les intérêts des grandes entreprises et se dissimulent parfois derrière des noms à l’apparence sympathique.

 

  • Les intérêts privés ne sont pas représentés que par les lobbies qui font pression de l’extérieur. Les conflits d’intérêts et le pantouflage sont légions, à la fois au niveau des commissaires européens et de leurs administration, les Directions générales.

Sources et références

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Le Parlement européen

 

Le Parlement européen est composé de députés élus dans tous les pays membres de l’Union Européenne. Le graph ci-dessous vous donne la nouvelle répartition des 705 députés européens à partir de janvier 2020, entrée en vigueur du Brexit.

 

Ces députés européens ne siègent pas au Parlement de Strasbourg en se regroupant par pays. Il n’y a pas d’un côté les députés français, puis les Allemands, les Belges, les Autrichiens.

Les députés siègent, comme à l’Assemblée nationale française, regroupés en groupes politiques. Voici la couleur politique du Parlement européen actuel, élu en 2019.

 

Ces députés ont été élus lors des élections européennes qui se tiennent simultanément dans tous les pays de l’Union. Dans chaque pays, les groupes politiques déposent des listes et les députés élus sont choisis à la proportionnelle. Le nombre d’élus de chaque liste dépend du pourcentage de voix reçue par la liste en question. Les élections européennes sont donc des élections à la proportionnelle.

 

Les règles de proportionnelle varient selon les pays. Pour la France, qui élit 79 députés au Parlement européen, un député équivaut à 1.3% des voix. Il faut toutefois atteindre un seuil de 5% aux élections européennes pour qu’une liste compte un député.

 

Les dernières élections européennes françaises ont donné les résultats suivants :

 

Les Conseils représentants les Etats.

 

Les Etats membres de l’UE sont représentés dans les institutions européennes principalement par deux institutions parfois nommés indistinctement “Conseil” : le Conseil européen et le Conseil de l’Union européenne.

 

Le Conseil européen réunit les chefs d’Etat et de gouvernement. Il siège au moins 4 fois par an. La présidence du Conseil européen est tournante. Les États membres l’assurent chacun à leur tour pour une durée de 2 ans et demi.

 

Chaque Conseil européen est thématique. Il y a des Conseils sur l’énergie, l’industrie, l’alimentation etc. Chaque Conseil européen est chargé de fixer les orientations et priorités politiques générales de l’UE sur chacun des domaines. A l’issu de chaque Conseil thématique, le Conseil publie ses “Conclusions” qui font figure de feuille de route pour la Commission européenne, chargée de proposer des directives au calendrier et d’en rédiger les brouillons.

 

Le Conseil de l’Union européenne réunit quant à lui les ministres de chaque Etat membre de l’Union Européenne. Le Conseil de l’UE participe au processus législatif. Il amende et vote les projets de directives européennes. Pour l’examen de chaque directives, les ministres concernés des Etats membres se réunissent pour amender et voter le texte. Le Conseil de l’Union européenne est aussi chargé de coordonner les politiques économiques des Etats membres et d’en superviser les budgets. Il valide les GOPE proposées par la Commission dans ses “Recommandations pour les Etats membres”.

 

La Commission européenne

 

La Commission européenne, c’est un peu le “gouvernement” de l’Union. Elle est constituée de commissaires européens – qui sont un peu les ministres – et d’un Président de la Commission européenne, qui ressemble au Premier ministre français.

 

Il y a un commissaire européen par Etat membre. Les commissaires sont nommés par le Conseil mais la composition de la Commission européenne doit être acceptée par un vote de confiance au Parlement européen. La composition de la Commission et, surtout, sa présidence, doivent refléter les équilibres politiques du Parlement européen. Voici la Commission européenne actuelle :

On y voit que la présidence est assurée par Ursula Von Der Leyen, une Allemande membre du Parti populaire européen, le parti conservateur vainqueur des élections européennes.

Vous retrouvez d’ailleurs les équilibres politiques du Parlement dans les autres nominations : un vice président exécutif pour les socio-démocrates, pour les libéraux et les conservateurs et ainsi de suite pour les autres postes.

La Commission est, comme un gouvernement national, responsable devant le Parlement européen. Si le Parlement n’est plus satisfait de la politique conduite par la Commission, il peut voter la censure et faire tomber la Commission. Cela dit, l’article 119 du Règlement intérieur du Parlement européen enseigne que, pour être votée, la motion de censure doit réunir une majorité des deux tiers des suffrages exprimés, soit bien davantage que la majorité à 50%+1 suffisante pour censurer le gouvernement français par exemple.

 

Les lobbies dans l’Union européenne

 

Les lobbies sont des groupes qui cherchent à défendre des intérêts auprès de décisionnaires politiques.

Selon une étude du Parlement européen, il y a plus de 80 000 lobbyistes actifs auprès de l’Union européenne.

 

Ces lobbies représentent les intérêts d’associations ou de syndicats, de collectivités locales (des régions, des communes, des parcs nationaux) ou, le plus souvent, de grandes entreprises.

 

Les entreprises, lorsqu’elles défendent leur intérêt en lobby, ne le font pas toujours en leur nom propre. Des organisations professionnelles générales – comme Business Europe, le patronat européen – ou représentant une branche industrielle – le European Chemical Industry Council – se chargent de les représenter. Il faut savoir que les lobbies peuvent parfois avoir des noms plus discrets – comme ce Specialised Nutrition Europe, que CEO identifie comme l’un des principaux lobby de l’industrie du sucre.

 

Pour comprendre la variété des stratégies exercées par les lobbies pour influencer la politique européenne, nous vous renvoyons à deux vidéos qu’on a faites avec Osons Causer. L’une, presque exhaustive, illustre à merveille les différentes techniques d’influences des lobbies et l’autre est une interview longue et plus analytique avec deux chercheurs de CEO.

 

S’il ne fallait lire qu’une interview dans sa vie pour comprendre influence lobbies à Bruxelles, c’est celle-là. Il s’agit d’un entretien avec Pierre Defraigne, ancien directeur de cabinet de deux figures de l’Union Européenne Etienne Davignon et Pascal Lamy. Pierre Defraigne est également directeur général honoraire à la Commission et ancien directeur général adjoint à la DG commerce de la Commission, bref, il connaît les dossiers. Voici un extrait de ce qu’il racontait à CEO :

 

CEO: Lors de notre dernier entretien, vous nous aviez dit que la Commission en était arrivée à percevoir sa véritable «constituency» (électorat) comme étant les milieux d’affaires. C’est une accusation assez grave. Pourriez-vous développer ce point?

Ce n’est pas une accusation. Je ne me vois pas dans le rôle d’un avocat général! Je fais une analyse qui est presque fonctionnelle. Un pouvoir cherche une légitimité. La légitimité vient d’abord de sa mission, inscrite dans le droit; elle vient ensuite de son analyse et des propositions qu’elle fait à partir de son analyse; et puis elle vient enfin d’une «constituency».

Qu’est-ce que les institutions européennes ont trouvé comme «constituency» pour faire avancer l’intégration économique, puisque c’est de cela dont nous parlons? Elles ont trouvé forcément ceux qui en bénéficient en premier lieu, c’est à dire les grandes entreprises qui jouent sur les économies d’échelle. Les autres suivent. Les gouvernements dans cette affaire ne poussent pas à l’intégration; les gouvernements y résistent, en essayant de ne concéder de la souveraineté qu’au compte-gouttes. Ils sont donc quelque part mal placés pour jouer les contrepouvoirs à l’influence des grands milieux d’affaires sur l’intégration économique de l’Europe.

Il y a donc de facto une collusion systémique entre la Commission et les milieux d’affaires, avec pour justification avancée l’intérêt du consommateur, qui est la manière dont le citoyen européen est présent comme enjeu dans le circuit de décision européen.

 

 

Les conflits d’intérêts et le pantouflage

 

Regardons maintenant les nombreux liens qui unissent les fonctionnaires européens avec les multinationales. Une première manière d’aborder cette question, c’est ce qu’on appelle le “pantouflage” ou les “portes tournantes” (revolving doors en anglais).

 

Le pantouflage c’est quand un haut fonctionnaire était employé par des grands groupes avant de prendre son poste OU quand il le sera après avoir quitté la Commission.

Pour mesurer l’ampleur du phénomène, le mieux est de consulter l’excellent site de l’ONG CEO, spécialisée dans la surveillance des lobbys au niveau européen :  “Revolving door watch”. On vous conseille aussi de regarder leurs excellents rapports – en anglais malheureusement – de ICI et LA.

Plus prosaïquement, illustrons le pantouflage des commissaires européens par les exemples les plus criants à l’aller et au retour : Thierry Breton et Jose Manuel Barroso.

Thierry Breton – le fraîchement nommé commissaire français au marché intérieur, était, juste avant de prendre son poste à Bruxelles, PDG d’Atos une multinationale française leader européen des services informatiques.

Jose Manuel Barroso était président de la Commission européenne de 2004 à 2014. On parle donc d’un des personnages clefs de l’Union Européenne. Un peu plus d’un an après son départ de la Commission, Barroso a été embauché comme lobbyiste et président non exécutif du Conseil d’administration par la banque Goldman Sachs. Cette embauche a fait grand bruit parce qu’elle illustre à merveille la porosité entre les commissaires européens et les multinationales. Cependant, comme le montre cette infographie, Goldman Sachs n’est pas la seule occupation de l’ancien président de la Commission.

 

Il est important de ne pas s’arrêter aux seuls commissaires européens. Les fonctionnaires des directions générales de la Commissions (les fameuses “DG”) et les directeurs généraux eux-mêmes sont aussi soumis à une influence constante des multinationales.

On le remarque notamment dans ce rapport de CEO sur la DG FISMA chargée de la régulation bancaire et financière.

Les conclusions de ce rapport sont sans appel :

    Quatre des cinq précédents directeurs généraux de FISMA (2008 – 2017) travaillent à présent pour des entreprises qu’ils régulaient à leur poste de DG ou pour des cabinet de lobbying qui représente l’industrie bancaire.

1 chef d’unité sur 3 qui a quitté la DG depuis 2008 travaille maintenant pour l’industrie financière.

 

Ce qui est vrai de la DG FISMA s’applique aussi à d’autres directions générales. Le rapport de CEO cité plus haut montre (p.16 et sq.), entre autres faits marquants, que la DG SANCO (chargée de la santé et de la protection des consommateurs) est beaucoup plus réceptives aux intérêts des entreprises chimiques que la DG Environnement.

 

On voit à la lecture de ces quelques cas et, surtout, de ces très complets rapports, que le pantouflage et les conflits d’intérêts sont malheureusement très présents à la Commission européenne.