Les impôts, ça fait jamais plaisir de les payer. Pourtant, qui sait, vraiment, à quoi servent nos impôts ? À payer des "assistés", des fonctionnaires paresseux et des sénateurs ? Pas si sûr ...
On l’entend partout, “la France est championne du monde des impôts”. On est allé vérifier et c’est tout à fait vrai.
Voilà un graphique qui montre la part des prélèvements obligatoires (c’est-à-dire impôts, taxes et cotisations sociales) dans le PIB pour plusieurs pays de l’OCDE (alias, les pays “riches”).
On y voit bien que la France est, effectivement, bien en tête avec 46.1 % du PIB qui passe par les prélèvements obligatoires. L’Allemagne est quasiment 10 points derrière (37.6 %) et les États-Unis ont 20 points de retard (26.8 %). Si vous êtes curieux du niveau de prélèvements obligatoire d’autres pays qui ne figurent pas sur le graphique, allez voir les données brutes, vous trouverez peut-être votre bonheur :).
Que peut-on tirer de ce titre de champion du monde des prélèvements obligatoires ?
Et bien, que l’économie française est fortement socialisée. Une grande part du PIB est gérée collectivement et sert aux dépenses publiques.
D’ailleurs, pour poursuivre les comparaisons internationales, il est intéressant de noter que la France détient un deuxième titre de championne du monde. La France est numéro 1 mondial de la part de la protection sociale publique dans le PIB. Ca se vérifie très bien sur ce graphique, créé à partir des données Eurostat. Pareil, si vous voulez voir d’autres pays, allez voir les données brutes.
Qu’y voit-on ? Et bien que la France est championne du monde des prélèvements obligatoires aussi parce qu’elle est en tête des dépenses de prestation sociale.
Voilà pour les comparaisons internationales, maintenant qu’on sait où se situe la France parmi les pays voisins, on va pouvoir entrer dans le vif du sujet et détailler à quoi servent, vraiment, nos impôts, taxes et cotisations sociales.
Poser la question, c’est chercher comment est utilisée la dépense publique. Ben oui, si on paye des impôts, c’est bien pour que cet argent soit dépensé.
Nous allons donc regarder comment se décompose les dépenses de l’ensemble des administrations publiques c’est-à-dire l’État (les ministères et leurs administrations), les collectivités locales (les mairies, communautés de communes, départements et régions) et les organismes publics de Sécurité sociale et de retraite.
Nous avons construit un graphique pour présenter comment sont dépensés nos impôts. Ce graphique montre la dépense publique totale en France en 2017 et se base sur des données Eurostat. Plutôt que la base de donnée Eurostat qui est délicate à manœuvrer, on recommande de consulter plutôt le site gouvernemental aquoiserventmesimpots.gouv.fr qui présente les données Eurostat beaucoup, beaucoup, plus clairement. Voici notre graphique.
Qu’y voit-on ?
Nos impôts financent d’abord la protection sociale (57.2 % des dépenses publiques). Celle-ci se composent principalement des retraites (26.3 % des DP), des dépenses de santé (19.3 % des DP). Retenez qu’un euro de dépense publique sur 2 va aux retraites et à la santé.
Les dépenses que certains appellent “l’assistanat” et qui, à l’instar des APL, du RSA et de la prime d’activité, sont fléchées vers les populations les plus précaires, ne représentent que 3.9 % des dépenses publiques.
En plus de la protection sociale, les dépenses publiques financent des services publics – notamment l’Éducation (11.7 % des DP) – qui bénéficient à une très grande partie de la population.
A de nombreuses reprises dans notre vidéo, nous renvoyons à l’excellentissime bouquin d’Alexis Spire Résistances à l’impôt, attachement à l’État. Enquête sur les contribuables français (Le Seuil, 2018). Le bouquin est super, se lit assez bien et vous apprendra plein de choses. Foncez l’acheter chez votre libraire préféré !
Si vous voulez en avoir un avant goût en ligne, nous vous renvoyons vers l’article formidable qu’a consacré le département de sciences sociales de l’École Normale Supérieure de Lyon aux travaux de Spire. Cet article comprend une conférence extrêmement claire d’Alexis Spire (c’est assez rare que des chercheurs s’expriment clairement, donc gros big-up ! ) et plusieurs ressources commentées.
Dans notre vidéo, nous mettons en exergue le graphique de Spire sur l’État souterrain. Vous le trouverez à la page 16 du powerpoint de sa conférence à l’ENS Lyon.
On y voit clairement que beaucoup de personnes qui ont effectivement été “aidées par L’État” ne le perçoivent même plus tant la protection sociale et les services publics sont évidents. Cet invisibilité des dépenses publiques – surtout sociale et de services publics – Alexis Spire la désigne par le concept d’État souterrain.
Pour donner une rapide illustration de l’efficacité de notre système de retraite, nous avons choisi de monter le taux de pauvreté des nos aînés. Nous avons reproduit, sur le graphique ci-dessous, le taux de pauvreté des + de 66 ans pour les pays de l’OCDE.
La France est troisième de l’OCDE avec 3.4 % des plus de 66 ans sous le seuil de pauvreté (la moitié du revenu médian). Ce taux est deux fois moins élevé que celui du Luxembourg (7.7 %) et 2.5 fois moins élevé que l’Allemagne (9.6 % de pauvres). Des pays comme la Suisse (19.5 %) ou les États-Unis (23.1 %) comptent, eux, beaucoup beaucoup plus de pauvres chez les + de 66 ans, signe d’un système de retraite bien moins performant.