École française : est-ce que le niveau baisse ? - Osons Comprendre

École française : est-ce que le niveau baisse ?

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Est-ce que le niveau baisse à l'école ? Comment se situent les résultats scolaires des petits français et françaises par rapport à ceux des autres pays riches ? Comment évolue le "niveau scolaire" de la population ? On fait le point sur toutes ces questions.

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Points clés

  • Quel est le niveau des élèves français ? Une première manière de répondre à la question est de comparer les performances de la France à celles des autres pays. L’enquête internationale de référence est l’enquête PISA, qui évalue les élèves de 15 ans (généralement en 3ème) en lecture, mathématiques et en sciences.

 

  • Dans toutes ces matières, la France se classe depuis le milieu des années 2000 dans le ventre mou, autour de la moyenne des pays de l’OCDE, bien loin des meilleurs. Plus inquiétant, les élèves français sont très peu nombreux à être très bons ou excellents.

 

  • Les enquêtes internationales TIMMS et PIRLS dressent un constat encore plus accablant. Que ce soit en lecture, en mathématiques ou en sciences, les élèves français de 4ème et de CM1 sont loin de la moyenne des pays de l’OCDE étudiés.

 

  • Le niveau des élèves français a-t-il baissé ? Le niveau des élèves de CM2 en calcul et orthographe s’est beaucoup dégradé depuis 1987. Les élèves font beaucoup plus de fautes en dictée et le niveau en calcul est inquiétant.

 

  • Les enquêtes CEDRE, lancées par le ministère de l’Education nationale, confirment qu’en mathématiques et en sciences, le niveau en fin de primaire et de collège a baissé. Le niveau en lecture et en histoire-géo résiste mieux. Un point positif : le niveau d’anglais a lui beaucoup progressé depuis les années 2000.

 

  • Doit-on conclure de cette baisse du niveau des élèves que la société française se crétinise ? Pas sûr. Pourquoi ? Parce que la durée d’études progresse de manière continue depuis les années 80. Aujourd’hui, 80% d’une classe d’âge obtient le baccalauréat et près de 50% est diplômée du supérieur.

Sources et références

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Le classement PISA

 

La dernière enquête PISA date de 2018 et 79 pays y ont participé. Cette enquête évalue la performance des élèves de 15 ans (généralement en 3ème) en lecture, en mathématiques et en sciences. Voilà comment se classe la France.

La France se classe dans le ventre mou du classement pour les trois matières. Une question se pose : la France s’est-elle toujours classée ainsi dans les enquêtes PISA ?

Voilà l’évolution de notre classement en lecture, mathématiques et sciences parmi les 37 pays de l’OCDE depuis les années 2000.

 

La France a perdu quelques places en lecture et en maths au début des années 2000, mais, globalement, notre classement est assez stable. Il n’y a pas un effondrement récent des performances françaises par rapport aux autres pays riches. On est juste moyen/médiocre depuis au moins 20 ans.

 

Zoomons à présent sur l’excellence. Parce qu’on pourrait être moyen moyen globalement mais avoir un système scolaire qui fonctionne bien pour les élites, qui produit toujours pas mal d’excellents élèves. Est-ce que c’est le cas ?

Voilà la proportion d’élèves excellents – en jaune – et très bons – en vert – dans l’épreuve de maths. Vous voyez que la France se situe toujours dans le ventre mou, juste à la moyenne de l’OCDE et, malheureusement, très loin des meilleurs : la Corée, les Pays bas, le Japon ou la Suisse.

Le problème n’est pas cantonné aux maths. On est aussi dans le ventre mou en lecture, et on n’a pas plus d’élèves excellents en sciences 

Conclusion : l’école française ne crée pas plus d’excellence qu’ailleurs.

Le bilan des résultats en fin de collège de l’enquête PISA est mitigé : certes on est dans la moyenne des pays riches, mais nos enfants sont très loin d’être dans les “meilleurs”.

Le problème, c’est qu’il existe une autre grande série d’enquêtes internationales beaucoup moins connues, mais tout aussi sérieuses, qui nous tendent un miroir encore plus inquiétant.

 

 

Les classements TIMMS et PIRLS

 

 

Les enquêtes TIMMS et PIRLS sont des enquêtes internationales qui évaluent, comme PISA, le niveau desélèves en maths, en sciences et en lecture. TIMMS c’est sciences et maths. PIRLS c’est lecture.

A la différence de l’enquête PISA, TIMMS et PIRLS n’évaluent pas les élèves d’un âge donné mais d’un niveau scolaire donné. Les écoliers testés sont les élèves de 4ème – des élèves un an plus jeunes que ceux évalués dans PISA – et des élèves de primaires, des CM1.

Voilà comment se classe la France dans les évaluations des 4ème.

Contrairement à PISA, les élèves de 4ème évalués dans TIMMS ne sont pas “dans le ventre mou” de l’OCDE, en sciences et en maths, ils sont bien en dessous de la moyenne des pays riches de l’OCDE étudiés. Il faut préciser “étudiés” parce que tous les pays de l’OCDE ne sont pas audités dans TIMMS et PIRLS.

Regardons maintenant le niveau de nos CM1.

C’est pareil pour nos CM1. En maths, en sciences et aussi en lecture, les élèves de CM1 français sont très loin du niveau des autres pays de l’OCDE.

Malheureusement, le même constat d’échec se retrouve lorsqu’on regarde la proportion d’élèves “très bons ou excellents”.

Là c’est pour les maths en 4ème. Vous voyez qu’on a beaucoup moins d’élèves très bons – en vert- ou excellents – en jaune – que dans les autres pays riches de l’OCDE

Le constat est exactement le même qu’il s’agisse des maths en CM1, de la science en CM1 ou en 4ème ou encore de la lecture au CM1. Quel que soit le niveau, quelle que soit la matière, partout, on manque d’élèves excellents.

[ SOURCE : IEA, Enquête TIMMS 2019, France et calcul de la moyenne OCDE à partir de Tableaux 1-9, 2-9, 3-9 et 4-9 ]

 

Peut-être qu’avant de s’alarmer, il faut comprendre comment la place de la France peut à ce point différer entre les enquêtes TIMMS/PIRLS et PISA ? C’est vrai qu’on est face à des résultats contradictoires : d’un côté on est dans le ventre mou, de l’autre on est à la rue. Pourtant, dans les deux cas, c’est des enquêtes de qualité, avec un travail énorme pour que les questions soient valables dans tous les pays, pour éliminer au maximum les biais culturels de tel ou tel pays. Alors qu’est-ce qui explique ces différences ?

On a trouvé un formidable document du très officiel “Conseil national d’évaluation du système scolaire” qui vise à comprendre les différences entre PISA et TIMMS.

TIMMS a l’air d’évaluer “ce que savent et savent faire” les élèves (p.11) et PISA a l’air d’évaluer plutôt des capacités à “mobiliser des compétences scolaires pour faire face à des problèmes rencontrés dans la vie réelle” (p.10) ce qui fait que, “La charge de lecture de texte est beaucoup plus importante dans PISA que dans TIMMS”.

Pas certain que ces explications nous aident à y voir plus clair.

Maintenant qu’on est au point sur notre niveau “relatif”, le niveau par rapport aux systèmes scolaires des autres pays, on a envie d’aller regarder l’évolution de notre niveau dans l’absolu.

Est-ce que le niveau des élèves français a baissé ces dernières années ou ces dernières décennies ? Quel est le niveau d’un écolier actuel par rapport à celui des années 80-90 ?

 

Le niveau baisse ?

 

Pour voir l’évolution du niveau de nos petits CM2 en calcul, en lecture et en orthographe, le ministère a lancé en 1987 – l’année de ma naissance – une grande enquête “Lire écrire compter”. Ces évaluations de la maîtrise des “fondamentaux” ont été reprises récemment et permettent donc de voir l’évolution du niveau de nos gamins sur 25-30 ans.

Commençons par l’orthographe. En  2007 et 2015 les gamins de CM2 ont dû passer exactement la même dictée qui évaluait les CM2 en 1987. On peut donc mesurer objectivement l’évolution du niveau en dictée sur 28 ans. Il suffit de compter les fautes !

Les CM2 faisaient un peu + de 10 fautes à cette dictée en 1987. Ils en font maintenant presque 18 !

Le ministère donne les résultats de la dictée mot par mot et, quand on regarde ça, on voit que les élèves ont des difficultés à maîtriser la grammaire, à savoir accorder les verbes. Prenons la première phrase. Les élèves de CM2 de 2015 sont beaucoup moins nombreux à savoir écrire “tombait” qu’en 1987 : 55.8% – une grosse moitié – VS 87.1% – presque tout le monde – C’est pareil pour “inquiets” 25.7 vs 46.3, “demandaient” ou “n’étaient pas rentrés”.

Conclusion : il y a une baisse de niveau claire et nette dans cette compétence fondamentale : l’orthographe.

En lecture, c’est-à-dire, la compréhension d’un texte écrit, le résultat est beaucoup moins catastrophique. Le niveau est stable entre 1987 et 1997 et entre 2003 et 2015. C’est seulement autour des années 2000 qu’on a eu une petite baisse de niveau, avec un peu plus d’élèves faibles. [ Sources, Enquête “Lire Écrire Compter” pour la période 1987-2007 et Enquête CEDRE pour 2003-2015 ]

Comme en orthographe, on a fait passer aux gamins de CM2 le même devoir de maths – un devoir surtout centré sur le calcul – tous les 10 ans depuis 1987. Le résultat fait froid dans le dos. Le niveau en calcul des élèves de CM2 en calcul s’est effondré de 30% entre 1987 et 2017.

Et c’est pas mieux quand on regarde le détail.

Quand 90% des enfants de CM2 réussissaient leurs additions en 87, ils ne sont plus que 69% en 2017. La chute est encore plus marquée pour les soustractions. Pour les divisions c’est la débandade : 3/4 des gamins y arrivaient en 87 aujourd’hui c’est 37 %, en gros un  gosse sur 3 !!

Quid des très bons élèves ? Bah c’est pas joli non plus. Seulement 1% des élèves de 2017 qui parviennent au niveau des 10% d’élèves les meilleurs de 1987 !

Si vous voulez comprendre à quel point la baisse de niveau en calcul touche l’ensemble des élèves de CM2, on est tombé sur une stat qui a SIDÉRÉ les anciens étudiants de socio qu’on est Steph et moi 🙂 Le niveau de calcul des enfants de cadres en 2017 est assez nettement inférieur à celui des enfants d’ouvriers en 1987 !!!

Mais au-delà de lire, écrire, compter, qu’est-ce qu’on sait du niveau des CM2 dans les autres matières et qu’est-ce qu’on sait du niveau de nos collégiens ?

 

C’est l’enquête CEDRE qui nous donne ces infos. CEDRE c’est un autre acronyme somptueux qui désigne cette fois  le “Cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillons”.

Les enquêtes CEDRE ont débuté en 2003 et font passer tous les 5 ou 6 ans des évaluations pour plusieurs matières, aux élèves de CM2 et de 3ème.

Les tests sont construits très précisément, pour avoir la même difficulté d’une année sur l’autre.

Depuis 2003, on commence à avoir pas mal de recul sur le niveau des gamins et le moins que l’on puisse dire, quand on voit le tableau général, c’est que c’est pas joli joli.

Vous voyez que l’effondrement du niveau des CM2 en math qu’on a vu juste avant, il se retrouve au collège chez les 3ème. En sciences, c’est stable au CM2 mais c’est la cata au collège.

En français – alias la compréhension écrite – , on retrouve aussi ce qu’on a vu il y a 2 minutes, ça va les élèves se maintiennent. C’est aussi assez stable en histoire géo. Ouf, y a une ou deux matières qui résistent. C’est pas la débandade généralisée.

Il y a même une matière où on progresse à fond, l’Anglais. Cette progression mérite qu’on s’y arrête.

Vous le voyez, que ce soit à l’écrit… ou à l’oral, dans les deux cas, les CM2 et les 3èmes ont beaucoup progressé depuis 2004.

Ne nions pas le problème : les résultats des enquêtes de l’Education nationale piquent pas mal : le niveau de formation de nos élèves baisse de manière inquiétante dans de nombreuses matières importantes, et on a vu que beaucoup d’autres pays font bien mieux.

Est-ce que ça veut dire que le niveau d’éducation en France est en chute libre ? Est-ce qu’il faut dénoncer comme certains “la fabrique des crétins” et déplorer un effondrement général ?

 

 

La montée du niveau de formation

 

Si le niveau d’un CM2 ou d’un 3ème a baissé dans certaines matières sur 20-30 ans, ça ne veut pas dire que le niveau de la population française dans son ensemble  a suivi le même chemin.

La deuxième moitié du XXème siècle, ça a été un immense mouvement de démocratisation de l’école et d’allongement des études. Graph 22Classe age BAC

Et si vous vous dites : oui ok super, mais bon le niveau du bac a baissé donc ça dit pas grand chose. Soit. Pas si vite l’ami, Regardons l’enseignement supérieur.

Un peu moins d’un jeune sur 4 (23% des jeunes) était diplômé du supérieur en 1993 , aujourd’hui, c’est quasiment 1 jeune sur 2 qui a son diplôme !  (48.2%)

C’est pas du tout impossible qu’au niveau de la population entière, ce mouvement de démocratisation et d’allongement des études augmente davantage le niveau scolaire moyen que la baisse de niveau au primaire et au collège qu’on a constatée dans les enquêtes.