Éducation nationale : a-t-on sacrifié nos profs ? - Osons Comprendre
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Éducation nationale : a-t-on sacrifié nos profs ?

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En France, est-ce qu'on a sacrifié nos profs ? Salaires, taille des classes, conditions de travail : ont-ils raison de protester contre l'évolution de leur métier ? Nos profs sont-ils bien ou mal lotis par rapport à ceux de nos pays voisins ?

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Points clés

  • A la question : les profs ont-ils été sacrifiés ? la réponse est, sans conteste, OUI. Les profs français sont moins rémunérés que ceux des autres pays riches alors que globalement, ils assurent plus d’heures d’enseignement sur l’année.  Mention particulière aux professeurs du primaire qui sont, relativement aux autres professeurs et aux autres pays, sont ceux qui travaillent le plus tout en étant le moins bien payés.

 

  • Cerise sur le gâteau :  les classes françaises sont les plus bondées. Au primaire, seuls deux pays de l’OCDE font pire que nous, au collège, on est carrément les pires. Aucun pays de l’OCDE ne réunit autant d’élèves dans ses classes de collèges. Bref, les profs français sont loin d’être des privilégiés quand on les compare aux autres pays. Bien au contraire.

 

  • Notons tout de même que le métier de prof, par rapport aux autres métiers, permet beaucoup de vacances. En contrepartie, les profs travaillent tous bien plus de 35h/semaine. C’est 43h en primaire et chez les certifiés, autour de 50h pour les profs débutants. On ne peut pas dire qu’ils se tournent les pouces.

 

  • Surtout qu’en parallèle, la situation économique des profs s’est beaucoup dégradée en France ces 25 dernières années. En tenant compte de l’inflation, les profs certifiés et agrégés ont perdu en pouvoir d’achat et les profs des écoles ont stagné, pendant que le reste de la population gagnait 17% de salaire . Le statut économique des profs comparé aux autres métiers a tout simplement dégringolé.

 

  • Et ça, c’est pour les profs titulaires, en parallèle, le nombre des profs précaires a explosé. Les contractuels – encore moins payés et souvent à temps partiel –  représentent déjà 10% des profs de collège-lycée. La proportion a doublé en 10 ans.

Sources et références

Les rémunérations en France

 

Première chose à savoir, quand on regarde le Bilan social de l’Éducation nationale – publication annuelle qui fournit de nombreux chiffres sur l’état de notre éducation et de nos professeurs – on remarque tous les profs ne sont pas logés à la même enseigne.

Ce que gagne un prof dépend d’abord du niveau d’enseignement : les profs des écoles, qui enseignent en maternelle ou en primaire, gagnent en moyenne 2295 euros net/mois, quand les profs du secondaire, qui bossent en collège/ lycée, sont au dessus, à 2736 euros/mois.

Attention, ces chiffres, c’est des moyennes sur toute la carrière.

Un prof des écoles en début de carrière est à 1859 euros/mois. Au collège/lycée, un débutant est à 2032 euros. L’ancienneté fait donc une grosse différence.

Au-delà du niveau d’enseignement, ce que gagne un prof dépend aussi beaucoup de son statut.

Ces profs ont aussi réussi un concours qui s’appelle le CAPES et gagnent autour de 2600 euros/mois.Les profs en lycée professionnel sont un peu mieux payés que les profs certifiés.

Au-dessus, vous avez les profs “agrégés” – qui ont réussi le concours de l’agrégation, plus difficile que celui du CAPES.

Les agrégés font exactement le même travail que les certifiés : ils enseignent les maths, le français la bio, etc. aux mêmes élèves de collège ou de lycée MAIS les agrégés ont un peu moins d’heures de cours et, surtout, ils sont bien mieux payés !

Avec leurs + de 3500 € /mois en moyenne, ils gagnent grosso modo 1000 balles de + que leurs collègues certifiés pour le même boulot.

Les profs agrégés sont les mieux lotis de l’Éducation nationale et forment, on peut le dire, une espèce d’aristocratie professorale.

 

A l’autre bout du spectre, tout en bas de la hiérarchie, on trouve les contractuels. Ces profs ne sont pas fonctionnaires. Ils sont embauchés en CDD, et gagnent autour de 1800 € par mois en moyenne.

Pour enseigner, ils n’ont pas besoin d’avoir réussi un concours. Ils doivent simplement avoir validé une licence de 3 ans dans la discipline enseignée. Dans certaines académies qui manquent de profs, il est même possible de recruter des profs contractuels qui n’ont validé qu’une 2ème année de licence.

[ SOURCE : Ministère de l’Education nationale, circulaire n° 2017-038 du 20-3-2017 ]

Si les profs contractuels gagnent moins que les autres, c’est pour deux raisons :

  • ils sont moins bien payés que les autres pour donner une heure de cours
  • ils sont beaucoup plus souvent à temps partiel.

Les contractuels sont quasi 40 % (38.6%) à enseigner à temps partiel alors que c’est seulement 10 % des titulaires environ qui sont à temps partiel. (entre 8.6 et 11.1% selon les statuts).

Les contractuels, on va les chercher pour boucher les trous, c’est rare qu’ils aient un service complet. 

[ SOURCE : Bilan social de l’Éducation nationale 2020-2021, Tableau 5.1,  Part du temps partiel dans le secondaire public ]

En 10 ans, au collège/lycée, on est passé de 1 contractuel tous les 20 prof (p.18)  à 1 contractuel tous les 10 profs (p.169). On a doublé la proportion des profs précaires et mal formés au collège / lycée. Pas sûr que ça améliore la qualité de l’éducation.

Maintenant, on sait combien gagne chaque catégorie de prof.

Mais que penser de ces niveaux de salaires ? Est-ce qu’un prof certifié de collège/lycée à 2604 euros/mois, c’est bien ou pas ? Est-ce que nos profs sont plutôt bien ou plutôt mal payés ?

Pour répondre, on peut commencer par comparer les salaires de nos profs avec ceux des pays voisins.

 

 

Rémunérations : comparaisons internationales

 

En maternelle, vous le voyez, on est un peu au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Pas mal de pays riches payent bien mieux leurs profs de maternelle que nous. Un prof de maternelle en France gagne par exemple presque 20% de moins [3665/4490 = 0,81l] qu’un prof de maternelle en Belgique

Nos profs de primaire sont encore moins bien traités. Dans les pays riches, seuls Israël et l’Italie payent moins bien les enseignants que nous et la différence de salaire avec l’Allemagne est impressionnante : nos  profs de primaire gagnent quasiment moitié moins qu’outre-Rhin.

Au collège et au lycée, c’est un peu moins pire : la France est juste au-dessus de la moyenne.

Mais pas de cocorico hâtif, on reste loin de pas mal de nos voisins, et même très loin de l’Allemagne, l’Autriche ou les Pays-Bas. Pas de quoi pavoiser donc.

En résumé : les profs français sont dans le ventre mou du classement, pas loin de la moyenne OCDE, et si on se concentre sur les seuls grands pays riches comparables à la France, là on est même en bas du classement. Bof bof pour la 6-7 ème économie mondiale.

 

 

En France : prof, un métier de moins en moins bien payé

 

Quand on regarde l’évolution des salaires des profs depuis 1996 on découvre qu’en apparence,  les profs gagnent plus.

Sur leur fiche de paye, les agrégés gagnent 20 % de +, les certifiés 22% et les profs des écoles, c’est carrément 35 % d’augmentation en 23 ans. De quoi se plaignent-ils ?

En fait, ces augmentations de salaires ne tiennent pas compte de l’inflation, de la hausse des prix. Si on tient compte de la hausse des prix – comme on doit le faire – on voit qu’en réalité, les profs se sont appauvris. Leurs  salaires ont moins augmenté que les prix.

Quand on compte l’inflation, le prof agrégé a en réalité perdu 12% de pouvoir d’achat en 25 ans.

Le certifié, notre prof typique de collège/lycée, a vu son salaire réel baisser de 10%.

Et le prof des écoles est, en gros stable, il n’a perdu qu’1% de pouvoir d’achat.

 

Et quand on regarde combien les profs gagnent par rapport aux autres français là, ça c’est encore pire.

En 1996, un prof des écoles était bien au-dessus du salaire moyen. Un agrégé était au niveau d’un cadre, et les profs certifiés étaient tranquilou entre les deux.

Aujourd’hui, en 2019, la situation n’a plus rien à voir. Les profs des écoles sont passés en dessous du salaire moyen, les profs certifiés sont à peine au-dessus et les agrégés eux, ont complètement décroché par rapport aux cadres.

 

J’en profite pour remercier Kevin Hédé, un prof d’SES qui a compilé ses datas et nous en a fait profiter. Il est sur Twitter, il fait du super taff, jvous invite à le suivre pour découvrir des graphs de ce genre et bien d’autres. En voici d’ailleurs un nouveau, de sa propre conception, qui montre l’évolution du salaire des profs et d’autres catégories sociales depuis 1996 mais en INDICE, afin de mettre en valeur les évolutions. Si les pourcentages divergent légèrement de nos graphiques, c’est parce que les siens sont en €2018 et les nôtres en €2019.

 

Alors est-ce qu’il y a une “bonne “ explication à ça ? Est-ce que c’est, par exemple, une question de temps de travail ? Est-ce que les profs français travaillent moins que les autres ?

 

Des profs qui travaillent peu. Que vaut le cliché ?

 

Un des plus gros clichés sur les profs, c’est qu’ils ne bossent pas des masses.

On entend souvent qu’avec les 16 semaines de vacances scolaires, ils se mettent très bien.

Alors est-ce que c’est vrai ? Est-ce que nos profs se la coulent douce ?

 

Premier moyen de répondre à cette question : comparer nos profs avec ceux d’autres pays comme nous le permettent les données de l’OCDE.

En Europe, si on se tourne vers nos voisins immédiats, on voit que nos profs de primaire, avec leurs 900 heures d’enseignement en classe par an, sont bien au-dessus de nos amis belges, allemands, espagnols, suisses ou italiens.

Au collège c’est pareil, les profs français ont aussi un peu plus d’heures d’enseignement que leurs voisins. Pour les profs de lycée, ôôôô surprise, on retrouve exactement le même mouvement

Retenez bien que ces chiffres incluent les vacances scolaires, il s’agit des heures annuelles enseignées.Même avec leurs 16 semaines de vacances scolaires, nos profs assurent plus

 

Mais tout ça ne nous dit pas  combien de temps nos profs travaillent-ils réellement, en ajoutant la préparation des cours, la correction des copies etc. ?

La réponse nous vient d’une des “GRANDES” enquêtes de l’INSEE : l’enquête emploi du temps dont la dernière livraison date de 2010.

Deux choses sautent aux yeux : tous les profs travaillent plus que 35 heures par semaine et, évidemment, leur travail ne se résume pas aux heures de cours devant les élèves.

Aux heures de cours “dans la salle de classe”, il faut ajouter le temps que demande le suivi des élèves – c’est-à-dire les discussions individualisées qui ont lieu avant ou après les cours.

Il faut ajouter la préparation des cours évidemment, le temps de correction des copies, le temps passé avec les parents ou à travailler avec les collègues, ainsi que tout le “reste”, les tâches administratives, la veille d’information etc.

Vous voyez qu’en dehors des heures de classe, ce qui prend le plus de temps, c’est de corriger les copies et, surtout, de préparer les cours.

Ca explique que les profs en début de carrière, les – de 30 ans, ils prennent très cher.

Au collège/lycée, les profs de – de 30 ans carburent à 45 heures de taff/semaine, et en maternelle/primaire, on vous les a gardé pour la fin, les profs en début de carrière sont à 52 heures !

 

Dernier élément à voir pour comprendre la réalité de leurs métiers : la taille des classes.

 

 

Nos profs ont-ils des classes bondées ?

 

Est-ce que nos profs ont plus ou moins d’élèves à gérer dans leur classe que dans les pays voisins ?

Et bien là encore, pas de chance : les prof français donnent cours à des classes avec plus d’élèves que dans presque tous les autres pays riches

En primaire, avec 22,3 élèves/classe, on est 3ème du podium des pires pays européens , juste après les Pays-bas et le Royaume Unis.

Au collège, avec en moyenne 25 élèves par classe, on monte carrément sur la première marche du podium ! Nos profs ont à gérer les classes avec le plus grand nombre d’élèves de tous les pays européens.

 

On peut résumer ce qu’on vient de comprendre sur nos profs français – nos profs aux salaires bof et aux classes super chargées – en un graph, un graph terrible qui montre combien chaque pays investit PAR ÉLÈVE pour payer les professeurs qui font notre éducation.

Voici ce graph pour le collège, en sources vous trouverez la même chose pour le primaire et le lycée, ça a exactement la même tête.

Quand on voit ça, le constat est désastreux pour la France. Pour trouver pire pays que nous, il faut chercher du côté de l’Estonie, du Costa-Rica, de la Hongrie ou de la Lettonie.

Puis les graphiques pour le primaire et le lycée.