Les dangers de la radioactivité (2/3) - Osons Comprendre

Les dangers de la radioactivité (2/3)

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La radioactivité, ça fait peur et c'est dangereux. La question est "à quel point" ? Voici l'état des connaissance sur la dangerosité de la radioactivité, pour des grosses doses et aussi pour celles du quotidien.

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Points clés

  • L’impact de la radioactivité sur notre santé dépend de trois facteurs : la dose reçue, la vitesse à laquelle on la reçoit (d’un coup ou sur une longue période), et le mode d’exposition (extérieur ou contamination interne à l’organisme). Il dépend aussi de variables biologiques : les femmes et les enfants sont plus sensibles aux effets délétères de la radioactivité.

 

  • La radioactivité à des doses importantes, c’est très dangereux. Une exposition brusque de plus d’un sievert, ou 1000 millisievert, soit plus de 200 fois la dose moyenne reçue en un an par un français, entraîne un syndrome d’irradiation aiguë. De nombreux organes sont alors atteints. Exposée à plus de 6 sievert, une personne sur deux meurt, même soignée à l’hôpital. Exposée à plus de 10 sievert, la mort est quasi certaine en quelques semaines. A Tchernobyl, 134 personnes ont subi un syndrome d’irradiation aiguë, et 28 en sont morts dans les semaines qui ont suivi l’exposition.

 

  • Des doses moyennes à forte, c’est-à-dire comprise entre 100 millisievert et 1 sievert, entraînent moins d’effets directs et immédiats sur la santé. Les études sur les survivants de Hiroshima montrent qu’après une exposition à 1000 mSv (soit 1Sv) on observe sur des dizaines d’années 42% de cancers en plus, et une perte moyenne d’espérance de vie de 1,3 ans.  La perte d’espérance de vie subie par les habitants à -1km de l’impact de la bombe est tout à fait comparable à celle causée par des comportements quotidiens. Etre en surpoids, consommer régulièrement de l’alcool ou habiter Paris, tous ces comportements quasiment anodins font courir un risque comparable à celui d’une irradiation d’1 Sievert. Et cette irradiation importante fait courir un risque pour la santé beaucoup beaucoup plus faible que fumer ou être obèse.

 

  • Pour les doses faibles (-de 100 mSv) voire très faibles (-10 mSv), il n’y a pas d’effets clairement prouvé sur l’augmentation des cancers. Un examen médical ou l’exposition à la radioactivité naturelle ne représentent donc, au pire, qu’un risque très faible.

 

  • Sans pouvoir les prouver, les chercheurs et les spécialistes de radioprotection utilisent malgré tout des modèle pour estimer l’impact sur la santé des expositions aux très faibles doses de radioactivité. Ces modèles s’appellent, dans le jargon, des modèles LNT, ou “modèles linéaires sans seuil”. Le modèle LNT suppose 1) que toute dose même minime est dangereuse et 2) que l’organisme ne gère pas mieux les faibles expositions étalées dans le temps que les expositions fortes et brusques.

 

  • Ce modèle est de plus en plus critiqué par les scientifiques car il pourrait être trop strict. Il se pourrait que les faibles doses de radioactivité soient moins dangereuses que ce qu’avance le modèle LNT. Cette controverse scientifique est en cours, et ce n’est pas à nous de la trancher. Mais on peut retenir deux choses 1) les faibles doses sont “au pire” très peu risquées et 2) le modèle utilisé aujourd’hui, le modèle LNT, est le plus pessimiste ou le plus prudent.

Sources et références

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La dangerosité de la radioactivité dépend de 3 facteurs

 

Les trois facteurs qui déterminent la dangerosité d’une exposition à la radioactivité sont :

  • La dose : Plus on est exposé à des doses fortes, plus cette exposition va avoir de conséquences sur notre santé.

 

  • Le débit de dose : les études montrent que la même dose de radioactivité, si elle est reçue sur une longue période est moins dangereuse que si elle est reçue d’un coup. : plus l’irradiation reçue est reçue rapidement, plus elle est dangereuse.

 

  • Le mode d’exposition. Il est moins dangereux d’être exposé à des radiations “externes”, que d’ingérer ou d’inhaler une source de radioactivité. Si on boit, mange ou respire des substances radioactives, elles vont exposer nos organes à un rayonnement direct et ce, pendant toute leur présence dans l’organisme.

 

 

 

Les très fortes doses : le syndrome d’irradiation aiguë (1 sievert et plus)

 

Ce qu’on considère comme des doses importantes de radioactivité, ce sont des doses supérieures à 1 sievert (1000 mSV) soit plus de 200 fois ce que reçoit un Français en moyenne sur une année entière d’exposition à la radioactivité quotidienne.

De telles expositions entraînent ce qu’on appelle des “syndromes d’irradiation aigüe”.

La gravité et l’expression de ces syndromes dépend des doses reçues.

 

Un exposition supérieure à 50 Sv (50 000 mSv) attaque le cœur et le système nerveux. La mort est certaine dans les 3 jours.

Un exposition supérieure à 10 Sv (10 000 mSv) entraîne une attaque du système digestif. La mort est certaine dans les 2 semaines.

Sous les 10 Sv, il est possible de survivre.

 

Sous les 10 Sv, le syndrome le plus fréquent est celui qui attaque la moelle osseuse et qu’on nomme syndrome hématopoïétique. Il se déclenche à partir d’une exposition d’1 Sv (dans certains cas, des symptômes se déclarent un peu en dessous de ce seuil du Sv.)

Que se passe-t-il ? La moelle osseuse est détruite ou très sérieusement endommagée par radiations et donc les cellules sanguines se renouvellent mal ou plus du tout.  Au bout d’un moment le sujet va donc manquer de globules rouges – donc moins d’oxygène dans les tissus – de plaquettes – donc bonjour des hémorragies – de globules blancs – donc moins de défenses immunitaires.

Ce syndrome qui attaque la moelle osseuse peut être bien méchant. A partir de 6 Sv t’as 1 chance sur 2 de mourir dans les 2 mois. Le plus souvent, les personnes meurent d’hémorragies et d’infections .

Il est toutefois possible de survivre à ce type de syndrome grâce à un traitement hospitalier lourd qui implique, souvent, une greffe de moelle osseuse. Les survivants devront toutefois attendre des mois, voire des années, pour retrouver une composition sanguine “normale”.

A de telles doses – entre 1 et 6 Sv – on peut aussi souffrir de stérilité – temporaire ou non – on s’assure quasiment des problèmes de cataracte, bref, on peut survivre, mais de telles doses de radiation, on va pas se mentir, c’est très méchant.

 

A Tchernobyl, 134 liquidateurs ont reçu des doses assez fortes pour subir un syndrome d’irradiation aigüe. Parmi ces 134 personnes, 28 – soit 20 % –  sont mortes dans les 4 mois des suites des radiations. Presque tous les morts avaient reçu plus de 4 sievert, ainsi que vous le voyez sur ce tableau, tiré du rapport de 2008 sur Tchernobyl de l’UNSCEAR – l’organisme des Nations Unies chargé de contrôler la radioactivité (p.14).

19 de ces liquidateurs sont morts “plus tard”, entre 1986 et 2006. Toutes ces morts ne sont pas attribuables aux radiations, mais au moins certaines le sont. Et mine de rien, les deux tiers de ces personnes très très exposées étaient encore en vie en 2006.

 

 

Doses moyennes/fortes : des effets, mais t’es pas condamné (entre 100 mSv et 1 Sv)

 

En dessous d’1 sievert, il est possible d’avoir à court terme des symptômes atténués du syndrome d’irradiation aigüe, comme des nausées, mais le gros de l’impact sur la santé est à long terme.

Ces doses entre 100 mSv et 1 sievert, on l’a vu dans la 1ere vidéo, c’est celles qu’ont reçu les habitants de Hiroshima qui était entre 1 et 2 km de l’impact.

A Tchernobyl, c’est autour de 60 000 personnes qui ont reçu des doses entre 100 mSv et 1 Sievert, et pour l’immense majorité d’entre eux, c’était plus proche de 100 mSv.

[ Source : UNSCEAR 2000 Table 17]

 

A Fukushima, 167 personnes ont reçu plus de 100 mSv, et 6 seulement plus de 250 mSv.

Avec ces expositions moyennes/fortes de quelques centaines de millisievert à 1 sievert, on observe surtout un risque d’augmentation des cancers qui se produit, ainsi que vous le montre ce schéma, quelques années après l’exposition.

Les leucémies (une leucémie c’est un cancer de la moelle osseuse) apparaissent dès 2 ans après l’exposition, alors que les autres cancers ne commencent à apparaître que 10 ans après l’irradiation.

A Hiroshima et Nagasaki, les scientifiques ont pu suivre attentivement les dizaines de milliers de survivants de l’explosion, irradiés ou non. Les chercheurs ont maintenu ce suivi détaillé pendant plusieurs dizaines d’années.

Grâce à ce suivi, on sait quel a été l’impact des radiations sur ces victimes. Pour les gens qui ont été irradiés à 1 sievert, à la limite entre les doses “moyennes” et les doses fortes du syndrome d’irradiation aigüe, on constate,après des décennies, une augmentation des proba d’avoir un cancer de 42%, et une perte d’espérance de vie en moyenne de 1,3 an.

Une hausse de 42 % de la probabilité d’avoir un cancer veut dire que si, avec tous tes facteurs de risques, la  proba d’avoir un cancer au Japon est de 16  %, alors une exposition à 1 sievert de rayonnement va faire grimper cette probabilité à 22.7 % soit une hausse de 42 % par rapport à la probabilité initiale.

Pour mieux se représenter ce que signifie une “perte d’1.3 ans d’espérance de vie” pour une exposition à 1 Sv de radioactivité, voici un tableau qui récapitule les années de vie perdues si on s’expose à des risques perçus comme plus “anodins”.

[ SOURCES : Tabac, Obésité, Alcool, Pollution de l’air ]

Vous le voyez, habiter à 1km d’une explosion nucléaire diminue autant l’espérance de vie que d’être en surpoids, ou qu’être un buveur régulier. Et l’effet sur la santé est bien bien moindre que d’être obèse, même modéré, ou fumeur régulier.

 

 

Des enfants difformes ?

 

L’exposition à la radioactivité crée-t-elle des malformations chez les futurs bébés ? Que penser de ce que la culture populaire nomme les “enfants de Tchernobyl” ?

Cette question fait beaucoup débat et, comme souvent lorsqu’il s’agit d’étudier les dangers des radiations, les meilleures études sont celles qui s’intéressent aux conséquences des bombardements de Hiroshima et Nagasaki. La raison est simple : une cohorte de 120 000 survivant a été étudiée durant des dizaines d’années avec un suivi médical important. Des informations complètes et détaillées sont disponibles pour un échantillon très important de sujet.

L’article de référence qui récapitule les résultats les plus récents du suivi de cette cohorte est paru en 2018 dans le Journal of Epidemiology.

Les fœtus exposés in utero aux radiations atomiques ont connu dans certains cas en grandissant des retards mentaux. Ils ont aussi, selon les modèles LNT, un risque plus élevé de développer des cancers. Cet excès de risque est du même ordre que celui que courent les enfants exposés aux radiations en bas âge.

En revanche, les enfants futurs de personnes irradiés n’ont aucun problème de santé particulier. Après un suivi médical poussé sur plusieurs décennies, ni anomalies génétiques, ni cancer, ni maladies particulières n’ont pu être détectés chez les enfants d’irradiés.

Bonne nouvelle, les enfants qu’ont eu les irradiés n’ont eux aucun problème de santé particulier. Contrairement à un cliché qu’on peut avoir, les dommages de la radioactivité ne se transmettent pas aux descendants.

 

 

Faibles et très faibles doses, des doses très peu risquées

 

Après plusieurs dizaines d’années de recherche sur les effets de la radioactivité sur la santé, on n’a jamais pu prouver clairement d’effet des petites doses de radioactivité sur les cancers.


[SOURCE UNSCEAR 2008; Sources and effects of ionizing radiation; p. 20]

 

Si être exposé à des petites doses de radioactivité augmente les risques d’avoir un cancer, c’est de façon si faible qu’il est très difficile de le mesurer.

Au passage, les niveaux de radioactivité en jeu dans la contamination d’eau au tritium qui a fait les gros titres en France en 2019 sont, très très en dessous de la radioactivité naturelle, et ils ne présentent absolument aucun danger pour la santé.

Dites vous que la radioactivité de l’eau contaminée était plus de 100 fois inférieure à la dose jugée sûre par l’OMS pour une conso permanente de l’eau 

Du coup maintenant on se fera plus avoir et on vérifiera les doses avant de se demander si on doit flipper 🙂 Si c’est en dessous de quelques mSv, faut pas se faire de cheveux blancs.

 

Cela dit, même si les risques individuels sont très faibles avec les faibles doses, ça ne veut pas dire qu’on ne régule pas l’exposition à ces faibles doses de radioactivité.

La radioprotection fixe des limites d’exposition à la radioactivité.

Pour le grand public, hors radioactivité naturelle et médicale, toute activité qui expose à plus de 1 mSv par an est interdite. Pour les travailleurs du nucléaire ou le personnel aérien, la limite de radioactivité c’est 20 mSv/an – pas plus.

Pareil, les rejets de l’industrie nucléaire sont très très sévèrement contrôlés et limités.

Pourquoi ? Parce qu’on part du principe que même si on arrive pas à prouver les effets des petites doses sur la santé, ça ne veut pas dire qu’ils n’existent pas.

 

Si des millions de gens sont exposés à un très faible risque, ça peut finir par faire des milliers de cancers et de morts en plus au niveau d’un pays ou d’un continent.

Quand vous multipliez un facteur de risque très faible par une très grande population, ça peut vite faire du dégât. C’est pour ça qu’on garde des réglementations très strictes d’exposition à la radioactivité. La doctrine, c’est l’exposition ALARA, “as low as reasonably achievable” ou en bon français : aussi basse que raisonnablement possible.

 

Même si il y’a des incertitudes sur les effets de ces petites doses sur la santé, les chercheurs ont tout de même un modèle pour chercher à les mesurer.

Ce modèle prend la mesure – qu’on connaît – de la hausse de mortalité par cancer causée par l’exposition à 1000 mSv et l’applique aux doses plus faibles de manière proportionnelle. Voici le consensus retenu par l’Institut français de radioprotection.

La surmortalité par cancer pour une exposition de 1000 mSv est de +5% selon le consensus scientifique actuel (p.55). On peut donc en déduire que, proportionnellement, une exposition à 100 mSv augmentera de 0.5 % la probabilité de mourir par cancer et ainsi de suite.

 

Ce modèle porte le doux nom de modèle “LNT” pour “linear no threshold” en anglais, ou “linéaire sans seuil” en français.  Aujourd’hui, ce modèle LNT linéaire sans seuil est à la fois un principe de précaution, et le modèle scientifique “dominant”.

 

Mais attention, ce modèle LNT ne fait pas du tout l’unanimité.Pourquoi le modèle LNT est-il contesté ? Alors plusieurs arguments existent, nous allons vous en présenter deux.

 

Le premier vient de l’étude des régions où la radioactivité naturelle des sols est beaucoup plus élevée. A Ramsar en Iran, à Yangjiang en Chine où vivent plus de 2 millions d’habitants, ou encore dans le Kerala en Inde, la radioactivité naturelle peut atteindre des dizaines de mSV par an. Dans toutes ces régions là, des gens sont exposés à des faibles doses pendant leur vie entière qu’est-ce qu’on observe ? Pas plus de cancers que dans d’autres régions aux populations comparables. Première raison de douter que les petites  doses donnent des cancers. 

 

Deuxième argument, la biologie. Quand on observe les effets des radiations sur le vivant en laboratoire, on observe pas du tout les mêmes réactions face à des doses fortes et ponctuelles que face à des doses faibles et sur une durée étalée.  Face à des doses fortes et/ou rapides, l’organisme subit des dommages, alors que face à des doses faibles et/ou étalées, l’organisme met en place plein de mécanismes réparateurs qui limitent ou annulent les dommages de la radioactivité.

 

Encore plus étonnant : on a même fait des observations inverses à ce que prévoit le modèle LNT : des chercheurs ont même observé que faibles doses d’irradiations pourraient même stimuler des mécanismes protecteurs et aider à lutter contre des maladies, notamment des cancers.

 

Attention, malgré les critiques du modèles LNT, rien est tranché. Il s’agit d’un débat scientifique en cours. Certains scientifiques continuent à défendre le modèle LNT. Et, encore aujourd’hui, par prudence peut-être, il sert toujours de base à nos réglementations de radioprotections.

 

[ Source : IRCP (International Commission on Radiological Protection), publication 103, 2007; p.47 ]