Nucléaire : une énergie inadaptée au changement climatique ? - Osons Comprendre

Nucléaire : une énergie inadaptée au changement climatique ?

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L'été, de plus en plus de centrales nucléaires doivent arrêter leur production. Avec le changement climatique, les sécheresses et canicules vont se multiplier. L'énergie nucléaire deviendra-t-elle une énergie du passé ?

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Points clés

  • Même si les arrêts de centrales nucléaires pour raisons climatiques se multiplient, ils ne sont pas un problème aujourd’hui. Ils ne représentent qu’une faible perte de production électrique à un moment – l’été – où, du reste, la consommation nationale est à son niveau le plus bas. Cela dit, avec le changement climatique, les canicules et sécheresses vont à la fois se multiplier et s’intensifier. Les centrales nucléaires seront-elles résilientes à un climat qui se réchauffe ?

 

  • Si on arrête des centrales lors des canicules ou des sécheresses, c’est en raison de l’eau utilisée pour les refroidir. Certaines centrales sont à circuit ouvert : elles prélèvent beaucoup d’eau mais la rejettent ensuite beaucoup plus chaude. Ces centrales sont installées sur la mer ou au bord du Rhône, le fleuve à plus haut débit français. Elles sont arrêtées quand l’eau qu’elle rejette réchauffe trop le fleuve et met en péril la biodiversité en aval de la centrale.

 

  • Certaines centrales sont à circuit fermé : refroidies grâce à l’évaporation, l’eau qu’elles rejettent n’est que très peu réchauffée. En revanche, une partie de l’eau prélevée est consommée et donc perdue à jamais. Ces centrales sont installées sur les fleuves à bas débit comme la Loire, la Garonne, la Meuse ou la Vienne. Elles sont arrêtées quand la consommation d’eau du refroidissement de la centrale fait trop chuter le débit du fleuve.

 

  • Aujourd’hui, 90 % des arrêts de centrales pour raisons climatiques concerne 3 centrales. La centrale de Chooz (50% des arrêts) pour ne pas priver la Belgique de son eau et les centrales à circuit ouvert sur le Rhône (celle du Bugey et de Saint-Alban) qui, lorsque le Rhône est bas et chaud, réchauffent trop le fleuve pour les algues et les poissons.

 

  • RTE a réalisé des simulations pour estimer les arrêts de centrales à l’avenir. A réglementation et emplacement actuels, les arrêts de centrales vont un peu augmenter et se concentreront toujours sur ces centrales exposées. Les centrales de Golfech sur la Garonne et de Cattenom sur la Moselle seront aussi davantage concernées qu’aujourd’hui. Cela dit, ce qui importe est de regarder non les centrales actuelles mais les futures centrales nucléaires, celles qui seront toujours là à la fin du siècle.

 

  • Pour ces centrales, les simulations de RTE montrent que les EPR2 construits en bord de mer ou en circuit fermé sur le Rhône fonctionneront sans problème malgré sécheresses et canicules. Ces sites permettent de construire 16 nouveaux EPR2. Si la France fait le choix de s’appuyer davantage sur l’énergie nucléaire, il faudra alors trouver de nouveaux sites. L’idéal serait de les installer en bord de mer, là où les conflits d’usage de l’eau sont inexistants. Si ce n’est pas possible, il faudra les installer en bord de fleuve à bas débit (comme la Loire ou la Seine) et peut-être accepter quelques arrêts de production l’été ou au début de l’automne, lorsque le débit des fleuves est très bas.

 

  • RTE a simulé un “stress-test” pour vérifier si les scénarios électriques avec beaucoup de nouveaux nucléaires pourront passer une semaine de canicule et de sécheresse en 2050 où, en prime, les éoliennes produisent peu du fait d’un anticyclone. Malgré une consommation électrique très importante du fait des climatiseurs et des voitures électriques, l’approvisionnement électrique ne sera pas mis à mal par ces conditions météo extrêmes. On peut donc en conclure que, si le changement climatique va bien augmenter les arrêts de production nucléaire, il ne suffit pas à rendre cet énergie obsolète pour la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique.

Sources et références

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L’été n’est pas un problème pour le nucléaire aujourd’hui… mais demain ?

 

Avec les premiers effets du changement climatique en France, on voit de plus en plus souvent en été des centrales nucléaires à l’arrêt, dans les périodes de canicule et de sécheresse. Mais est-ce que c’est grave, ces arrêts de centrale ?

 

Aujourd’hui, non. En 2003, l’année de canicule qui a vu les pires pertes de production nucléaire, la France a perdu 1,6% de sa production nucléaire. Autrement dit, rien du tout.

[ SOURCE : Cour des Comptes, L’adaptation au changement climatique du parc des réacteurs nucléaires, 2023, pp 68 et 69 ]

Mais ça, c’est sur l’année. Si on se concentre sur les quelques jours de l’été où on a dû arrêter ou limiter le plus de centrales, en 2003 c’est plus de 10% de la puissance nucléaire qui a manqué.

[ SOURCE : Cour des Comptes, L’adaptation au changement climatique du parc des réacteurs nucléaires, 2023, p.67 ]

Est-ce que c’est un problème de ne pas pouvoir compter sur 10% de notre nucléaire à certains moments de l’été ? Là encore, la réponse est simple : non. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, on a besoin de beaucoup moins d’électricité en été qu’en hiver, quand les chauffages tournent à fond.

Notre système électrique est fait pour produire assez d’électricité au pire moment, en hiver, et en été on est donc très très large.

[ Source Enveloppe 2014-2019 : RTE, Bilan Électrique 2022, Évolution de la consommation sur les dernières années ]

Si le problème n’existe pas vraiment aujourd’hui, mais avec le changement climatique, il pourrait devenir plus sérieux demain, pour deux raisons essentielles à comprendre.

 

La première, c’est que notre consommation électrique en été va beaucoup se rapprocher de celle de l’hiver. Elle va augmenter, pour recharger les voitures électriques, mais aussi – et surtout – avec la climatisation. Comme on aura plus de canicules et des canicules plus longues, la clim’ va être de plus en plus utilisée. Pendant les heures les plus chaudes vers midi, on pourrait avoir dans 20-30 ans des consommations électriques énormes à cause de la clim.

[ SOURCE “Consommation 2050” :  RTE, Futurs Énergétiques 2050 – Rapport Complet, Figure 7.54, p.366 ]

 

Autrement dit, ne pas pouvoir compter sur une partie de la production nucléaire quand il fait très chaud, c’est ok aujourd’hui parce qu’on est large, mais comme demain on sera beaucoup plus tendu, perdre plus de 10% de notre puissance pourrait être beaucoup plus pénible.

 

Et encore, je dis 10%, mais, ces indisponibilités de centrales en été, elles risquent d’augmenter. Le changement climatique en France, on l’a dit, ça va être des canicules plus longues et plus chaudes.

Vous voyez que les canicules de 2003 et 2019, qui ont duré entre 10 et 18 jours, c’est des petites joueuses par rapport aux canicules qui arrivent pour 2050.

[ SOURCE : RTE, Futurs Énergétiques 2050 – Rapport Complet, 2021, Figure 8.5, p.401 ]

Même avec un réchauffement climatique limité (RCP 4.5), on pourra subir des canicules de 30 32 degrés moyenne incluant la nuit d’un mois et demi – 2 mois. Vous comprenez pourquoi le pays aura recours à la clim.

 

On aura aussi des fleuves qui passeront plus de jours dans l’année avec un débit d’eau faibles. Pour la Loire par exemple, on passerait de 18 jours de faible débit aujourd’hui, à 26 jours en 2050, et jusqu’à 34 dans les pires scénarios de réchauffement.

[ SOURCE : RTE, Futurs Énergétiques 2050 – Rapport Complet, 2021, Figure 8.7, p.403

Bref, on peut imaginer que les fleuves seront plus souvent trop chauds, et que les arrêts vont se multiplier et s’allonger. Est-ce que ça veut dire que dans 30-40 ans, on pourra plus compter sur le nucléaire en été ?

 

Nucléaire et changement climatique : les centrales à circuit ouvert

 

D’abord, la base : pourquoi est-ce qu’on arrête des centrales nucléaires durant des épisodes de canicule ou de sécheresse ? Et bien c’est lié à l’eau nécessaire au refroidissement des centrales.

Les centrales ne sont pas arrêtées pour des questions de sûreté. Même quand il fait très chaud, même quand l’eau des fleuves se fait rare et chaude, les réacteurs nucléaires peuvent toujours être refroidis. La canicule ou la sécheresse n’est pas dangereuse pour la centrale.

[ SOURCE : IRSN, Avis IRSN n°2020-0001, 23 janvier 2020 ]

 

Si on arrête les centrales à certains moments, c’est d’abord pour protéger la biodiversité des fleuves du réchauffement causé par la centrale..

 

Rentrons un peu dans le détail pour comprendre comment une centrale nucléaire réchauffe un fleuve et surtout dans quelles proportions.

La quantité de chaleur à évacuer est absolument énorme. En France, les centrales nucléaires peuvent avoir deux types de système de refroidissement

 

Certaines se refroidissent uniquement avec de l’eau : c’est les centrales en circuit ouvert. C’est simple : la centrale prélève de l’eau de la mer ou d’un fleuve, elle l’utilise pour refroidir la centrale, et elle la rejette ensuite.

Chaque réacteur demande beaucoup d’eau. 40 à 60 m3 / seconde. Si ça ne vous dit rien, c’est normal, mais c’est colossal. C’est quasi 2 conteneurs remplis d’eau ou 40 à 60 tonnes d’eau par SECONDE.

[ SOURCE : EDF, Centrales nucléaires et environnement – Prélèvements d’eau et rejets, 2020, Tableau 1; pp.111-113 ]

Le besoin en eau est tel que les centrales refroidies en circuit ouvert sont toutes au bord de la mer ou sur le Rhône, le fleuve français avec le plus grand débit.

Si ces centrales ont besoin d’énormément d’eau, faut dire que ces immenses volumes sont intégralement restitués. Ils retournent à la mer ou au fleuve. Il n’y a donc pas de consommation d’eau, l’eau n’est pas perdue, elle a simplement circulé à travers la centrale pour en extraire la chaleur. 

 

Ok, ces centrales ne consomment pas d’eau, c’est cool mais l’inconvénient majeur c’est qu’elles réchauffent énormément la flotte.

En bord de mer, ça ne pose pas de problème : même de l’eau 10-15° plus chaude est rapidement diluée. En revanche, sur les fleuves ce n’est pas pareil. Les deux réacteurs en circuit ouvert de la centrale de Bugey réchauffent régulièrement le Rhône de 5° aux abords de la centrale.

[ SOURCE : EDF, Rapport annuel d’information – Bugey 2021, p.42 ]

Petit à petit, cette chaleur se dissipe et se dilue dans le fleuve. Mais en été ou au début de l’automne, le fleuve peut avoir un débit faible – on appelle ça des périodes d’étiages. Lors de ces périodes, surtout si au faible débit s’ajoute une vague de chaleur, rejeter la même quantité de chaleur dans le fleuve va le réchauffer beaucoup plus , et perturber les habitats des poissons. La centrale dépasse les limites de protection de biodiversité et doit alors être arrêtée.

[ SOURCE : EDF, Synthèse de l’étude thermique du Rhône, 2016, p.9 ]

 

C‘est un problème qu’on a beaucoup moins avec le deuxième type de centrale.

 

Les centrales en circuit fermé

 

Ce deuxième type de centrales, c’est celui dont vous avez sûrement l’image en tête, les centrales avec les tours aéroréfrigérantes. Là l’idée, c’est de refroidir la centrale non plus grâce à l’eau mais principalement grâce au contact avec l’air et à l’évaporation.

Premier avantage de ces centrales à “circuit fermé”, c’est qu’on a besoin de prélever beaucoup moins d’eau, seulement 2m3 /seconde, car l’essentiel du refroidissement est assurée par l’air.

[ SOURCE : EDF, Centrales nucléaires et environnement – Prélèvements d’eau et rejets, 2020, Tableau 2; pp.111-113 ]

On retrouve donc ces centrales à “tour aéroréfrigérante” le long des fleuves à plus petit débit, comme la Loire, la Seine, la Meuse (Chooz) ou la Vienne (Civaux), même si on en a aussi sur le Rhône.

Deuxième avantage, c’est que grâce au refroidissement des tours, l’eau rejetée dans le fleuve est moins chaude que dans un circuit ouvert. Le fleuve après la centrale ne gagne plus 4-5° comme ça peut arriver en circuit ouvert, mais seulement quelques dixièmes de degrés.

Le risque de “trop réchauffer l’eau” en été et d’impacter la biodiversité en aval de la centrale est donc beaucoup plus faible.

 

Par contre ces centrales ont un inconvénient : environ 40 % de l’eau qu’elles utilisent est perdue dans l’air, c’est les panaches de vapeur que vous voyez du bord de la route. Dis comme ça, 40% de 2m3 ça a pas l’air beaucoup, mais sur l’année ça commence à représenter des quantités d’eau importantes.

Si on prend la centrale de Chinon – qui est en “circuit fermé” donc refroidie avec des tours – sur un an, ses 4 réacteurs ont évaporé 50 millions de m3.

[ SOURCE : EDF, Rapport environnemental annuel – Chinon 2021, p.14 ]

Ca c’est l’équivalent de la consommation annuelle de 920 000 personnes. [Calcul : 50M / 54.3 m3/hab/an ] Ouep, la centrale de Chinon évapore autant de flotte que les habitants de Marseille !

Aujourd’hui, comme on vous l’a dit en intro, les arrêts de centrales pour raisons climatiques ne représentent qu’une très faible part de la production électrique annuelle.

 

Aujourd’hui, 90% de l’électricité est perdu par 3 centrales

 

Aujourd’hui, 90 % de la production perdue à cause de ces arrêts climatiques est due à seulement 3 centrales.

La centrale la plus arrêtée, c’est celle de Chooz, sur la Meuse à la frontière belge. C’est une centrale aéroréfrigérée, donc ce n’est pas la température qui pose problème mais la consommation d’eau.

Un accord signé avec la Belgique prévoit que la centrale cesse de fonctionner quand le débit de la Meuse est trop bas. Pourquoi ? Pour ne pas priver la région de Namur de leur précieuse eau.

[ SOURCE : Décret no 98-1004 du 30 octobre 1998, Article 3.6 ]

Ensuite viennent les centrales à circuit ouvert du Haut Rhône : Bugey et Saint Alban. Là, le problème c’est la biodiversité. Lors des jours où le débit du Rhône est bas, les dizaines de m3 d’eau chaude rejetés par ces centrales dépassent les limites prévues pour respecter la biodiversité.

Ces 3 centrales là c’est 90 % des arrêts d’aujourd’hui. A noter parmi les 10% restants la centrale de Golfech près d’Agen qui est parfois arrêtée à cause de la chaleur de la Garonne.

 

On pourrait se dire : “Tiens chelou ça, la centrale de Golfech elle a des tours aéroréfrigérantes, son problème c’est pas le réchauffement mais la consommation d’eau”. Très juste ! La centrale de Golfech ne réchauffe que très peu la Garonne, mais si on l’arrête aujourd’hui, c’est en raison d’une “curiosité réglementaire” dirons nous.

Aujourd’hui : dès que la Garonne dépasse les 28° – avant ou après la centrale – la centrale doit cesser de fonctionner. Le 25 juillet 2019, la Garonne est montée à 29.2° l’après midi avant la centrale de Golfech. La centrale était donc obligée de se mettre à l’arrêt alors qu’elle n’aurait réchauffé l’eau que de quelques dixièmes de degré.

[ SOURCE : RTE sur données  Météo France, Groupe de travail “Référentiel climatique – Modélisation et évolution de la disponibilité de la production électrique d’origine nucléaire et thermique”, 2021, p.18 ]

Voilà les arrêts de centrales aujourd’hui : ils sont peu nombreux et concentrés sur un petit nombre de centrales qui posent des problèmes particuliers. Mais vous me direz, ça c’est avec le climat d’aujourd’hui, comment ces centrales là vont encaisser le climat de 2050, avec 30 ans de changement climatique et son lot de sécheresses et de canicules.

 

Avec le changement climatique, les arrêts vont se multiplier.

 

RTE, le gestionnaire du réseau électrique que, si vous suivez Osons Comprendre, vous devez commencer à connaître, a demandé à Météo France leurs meilleurs modèles climatiques pour 2050 dans le but de faire des prévisions.

Ils ont d’abord regardé les pertes de production des centrales actuelles – avec leur technologie et les normes actuelles.

[ SOURCE : RTE, Futurs Énergétiques 2050 – Rapport Complet, 2021, Figure 8.15, p.413 ]

Enseignement, dans le pire scénario climatique pour 2050, les arrêts sont plus nombreux, et toujours concentrés sur nos 3 centrales : Chooz avec la Belgique et Bugey et Saint Alban sur le Rhône.

Fait nouveau : les arrêts à Golfech et Cattenom deviennent significatifs. A Golfech on sait pourquoi : c’est la norme des 28 °C. Pour Cattenom – centrale à tour réfrigérante sur la Moselle – on n’a pas d’explication certaine mais ce qu’on sait, c’est que la Moselle est une rivières qui va beaucoup souffrir de réchauffement et de sécheresse en été. Les modèles imaginent que lors des mois d’août des années 2050’s les débits seront jusqu’à 70% inférieurs à ceux d’aujourd’hui.

[ SOURCE : BRL-IRSTEA-Météo France, Explore 2070 – Hydrologie de surface – Rapport de synthèse, 2012, Figure 44 p.73 ]

Ca c’est pour les centrales actuelles. Mais en 2050, beaucoup de centrales auront dépassé leurs 70 ans et seront à l’arrêt depuis un moment. Ce qui importe surtout, pour évaluer la robustesse de l’énergie nucléaire au changement climatique, c’est les NOUVELLES centrales nucléaires.

 

Aujourd’hui, on ne sait pas grand-chose des nouveaux EPR. Macron a simplement annoncé la construction de 6 nouveaux EPR. Les sites choisis pour ces 6 nouveaux réacteurs, c’est 2 à Penly en Normandie, 2 à Gravelines dans le Pas de Calais et la 3ème paire sera probablement sur le Rhône, ou à Bugey ou à Tricastin.

 

Pour les nouveaux EPR qu’on mettrait en bord de mer, zéro problème. Ils sont 100% résilients aux canicules et sécheresses des prochaines décennies.

Bien sûr, leur emplacement doit tenir compte de la hausse progressive du niveau des mers provoquée par le changement climatique. Si vous avez vu nos deux vidéos sur la sûreté des centrales nucléaires, vous imaginez bien que c’est suivi de près par l’ASN, le “gendarme du nucléaire”, l’autorité indépendante qui contrôle EDF

 

Pour les futurs réacteurs sur le Rhône, comme sur n’importe quel fleuve d’ailleurs, ils devront absolument être équipés de tours aéroréfrigérantes. Un arrêté de 2012 interdit les réacteurs en cycle ouvert qui réchauffent beaucoup trop les fleuves.

[ SOURCE : Arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base, Article 4.1.7 ]

 

RTE a fait une simulation pour regarder à quel point un scénario avec plein plein de nouvelles centrales (14 pour être exact) allait subir des coupures avec le climat de 2050.

[ SOURCE : RTE, Futurs Énergétiques 2050 – Rapport Complet, 2021, Figure 8.16, p.414 ]

Résultat : en moyenne les pertes de production seront inférieures à 1% de l’électricité nucléaire produite (2 TWh =0.6% de prod nuke 2050 N03). Autrement dit, sur l’année, ça ne changera rien du tout. Et même les pires années, où 10 TWh sont perdus, bah ça ne correspond même pas à 3 % de la production nucléaire annuelle.

Bon, perdre 3% de production les pires des pires années envisagées, je suis pas sûr qu’on puisse appeler ça “une vulnérabilité majeure au changement climatique”. Mais soyons exigeants, regardons maintenant combien de puissance nucléaire peut nous manquer en instantanée au pire moment des pires années de canicule et de sécheresse.

 

Prenons la pire année de canicule sur 100 années 2050 modélisées. Que se passerait-il ?

Dans ce scénario extrême, il pourrait manquer plus de 15 GW de puissance nucléaire soit l’équivalent de 9 EPR ou, dit autrement, 30 % de la puissance nucléaire installée. Là, 1 réacteur sur 3 à l’arrêt en même temps, c’est plus du tout négligeable. Avec les consommations d’électricité qui vont s’envoler en été, ces EPR pourraient nous manquer à des moments cruciaux.

[ SOURCE : RTE, Futurs Énergétiques 2050 – Rapport Complet, 2021,, Figure 8.17 p.415 ]

 

RTE a justement imaginé une situation proche de ce scénario du pire : un moment de canicule où les climatiseurs tournent à fond et donc où la conso de midi est très élevée, où beaucoup de centrales sont à l’arrêt et où, en prime, les éoliennes ne tournent pas.

[ SOURCE : RTE, Futurs Énergétiques 2050 – Rapport Complet, 2021, Figure 8.29, p.433 ]

Résultat du test : le système électrique tient “Tous les moyens ne sont pas mobilisés et le risque pour la sécurité d’approvisionnement électrique reste finalement assez faible”.

Donc construire de nouvelles centrales nucléaires ne posera aucun problème pour le système électrique, même au cœur des sécheresses caniculaires de 2050.

 

Mais quid de l’usage de l’eau ? Pourra-t-on se permettre d’évaporer autant d’eau avec les possibles futures centrales en bord de fleuve ?

Difficile de se prononcer tant les usages agricoles peuvent varier en 30 ans. Une chose est sûre, le Rhône ne pose aucun problème de débit. Selon les modèles de Météo France, le débit à Tricastin – la dernière centrale sur le fleuve – sera supérieur à 300 m3 seconde 99% du temps.

[ SOURCE : RTE sur données  Météo France, Groupe de travail “Référentiel climatique – Modélisation et évolution de la disponibilité de la production électrique d’origine nucléaire et thermique”, 2021, p.33 ]

Il n y a donc aucun souci à évaporer quelques m3 pour refroidir d’éventuelles futures centrales. Avec les emplacements existants en bord de mer et sur le Rhône, on pourrait déjà construire selon RTE 16 nouveaux réacteurs EPR en plus de Flamanville.

[ SOURCE : RTE sur données  Météo France, Groupe de travail “Référentiel climatique – Modélisation et évolution de la disponibilité de la production électrique d’origine nucléaire et thermique”, 2021, Figure 24, p.32 ]

Donc en clair, anticiper les effets du changement climatique ne nous empêche absolument pas de construire de nouvelles centrales nucléaires.

 

Mais si on se place dans des scénarios avec beaucoup de nouvelles centrales nucléaires – les scénarios où on produit un tiers à 50% de notre électricité future avec du nucléaire de notre vidéo RTE – on pourrait avoir besoin de construire plus de nouveaux réacteurs, jusqu’à 24 en 2060.

[ SOURCE : RTE, Futurs Énergétiques 2050, Annexe -0 Bilan Energétiques, N03 “Référence” ]

 

Et si on s’engage dans cette voie, vous imaginez bien qu’on ne va pas mettre tous ces réacteurs sur le Rhône 🙂

Que faire alors ? Première option : placer de nouveaux EPR sur les fleuves à bas débit comme la Loire et la Seine et accepter alors de possibles arrêts de production qques jours par an les années de sécheresse, pour ne pas évaporer trop d’eau.

D’ailleurs, à la centrale du Bugey, ils sont en train de tester un nouveau système de tours aéroréfrigérantes qui consomment moins d’eau. SI ce test à p’tite échelle est concluant, on pourrait imaginer installer ces tours sur les nouvelles centrales en bord de fleuve et diminuer encore la contrainte sur la ressource en eau. Affaire à suivre.

[ SOURCE : Cedric Lewandowski – PDG d’EDF, Post Linkedin “Lutte contre le réchauffement climatique : une expérimentation à Bugey”, mai 2023 ]

 

Deuxième option : placer plus de centrales en bord de mer : soit sur les sites nucléaires existants, soit même pourquoi pas, en créant de nouveaux sites nucléaires.

Créer de nouveaux sites, on imagine bien que ça susciterait plein d’oppositions locales, et que ça serait pas facile à faire politiquement. Aussi, créer de nouvelles centrales supposera d’adapter le réseau de transport d’électricité avec les surcoûts que ça implique.

 

Bref, ce n’est pas la solution la plus évidente. Mais, du point de vue de la gestion de l’eau, ce serait la solution la plus rationnelle. En bord de mer on le rappelle, on peut placer des centrales refroidies en circuit ouvert, centrales qui utilisent beaucoup d’eau mais qui n’en consomment absolument pas.