Surpêche : bientôt plus de poissons dans les océans ? - Osons Comprendre

Surpêche : bientôt plus de poissons dans les océans ?

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On parle peu de la surpêche, peut-être parce ce qu'elle se passe loin de nos yeux, sur les océans. Est-ce qu'on aura bientôt plus de poissons dans nos océans ? Quel est l'impact de la pêche industrielle ? Quelles sont les solutions ? On vous emmène dans un voyage dans le monde de la pêche.

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Les mers se vident

 

La mer celtique, une mer de l’Atlantique nord-est coincée entre l’Irlande, le Pays de Galles, les Cornouailles et la Bretagne, a perdu énormément de poissons depuis 1950. La population de harengs et de merlus y a été divisée par 2. Pour la sole et pour le maquereau, c’est carrément une division par 4. C’est même pas le pire, depuis 1950 la mer celtique compte 5 fois moins de cabillaud ou de langoustines.
[ SOURCE : Hernvann et Gascuel 2020, Exploring the impacts of fishing and environment on the Celtic Sea ecosystem since 1950, p.49 ]

Vous l’imaginez bien, cette situation n’est pas propre à la mer celtique. Dans les mers et les océans du monde entier, de nombreuses populations de poissons et de crustacés ont beaucoup diminué par rapport à l’ère pré-industrielle. Certaines se sont même totalement effondrées.

Le cabillaud de la côte Atlantique du Canada par exemple, il a pris encore plus cher que notre cabillaud celte. Après une pêche ultra intensive dans les années 60-70, il a quasiment disparu.

S’il est difficile de trouver une quantification globale de la perte de poissons depuis les années 50, Didier Gascuel, un chercheur reconnu ayant étudié longuement la surpêche nous donne une fourchette de cette diminution des stocks de poissons.

D’après Didier Gascuel, “de nombreux articles ont tenté cette estimation, avec des estimations variables, entre division par 2 et par 10” Ca serait plutôt une division par 5 pour les poissons de fonds, et par 2 ou 3 pour ceux qui vivent près de la surface.

 

Surpêche et pic des captures de poissons

 

Le responsable de cet effondrement est tout trouvé : c’est la pêche ou, mieux, la surpêche humaine.

L’équivalent du GIEC pour la biodiversité, la Plateforme intergouvernementale et scientifique sur la biodiversité et les services écosystémiques – IPBES en anglais –  identifie clairement la pêche et l’exploitation des ressources marines comme le principal facteur d’impact sur les écosystèmes marins.

[ SOURCE : IPBES, Rapport d’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystèmiques – Résumé à l’intention des décideurs, 2019, p.12-14  ]

Rien d’étonnant à cela. La pêche a connu un bond vertigineux. Au niveau mondial, on attrape aujourd’hui quasiment 5 fois plus de poissons qu’en 1950.

Et encore, ça c’est uniquement les pêches enregistrées par les pays et compilées par la FAO – l’organisation des nations unis pour l’alimentation. Si on ajoute l’estimation des nombreuses pêches non déclarées, souvent illégales, l’augmentation est encore plus impressionnante.

Notons un fait important: depuis le milieu des années 90, les captures n’augmentent plus.

Si vous ne regardez que la pêche déclarée, ça stagne autour d’un plateau de 80 millions de tonnes par an mais si vous ajoutez la pêche non déclarée, on voit que les quantités pêchées baissent. La pêche atteint un pic en 1996 et décline depuis d’environ 571 000 tonnes par an.

 

Oui oui, malgré des bateaux de pêche toujours plus nombreux et toujours plus puissants, on attrape chaque année toujours moins de poissons.

Explication : on pêche tellement que les écosystèmes n’arrivent plus à se renouveler et le poisson vient à manquer.

 

 

De plus en plus de stocks de poissons surexploités

 

Au niveau mondial, le nombre de stocks de poissons surexploités n’a pas arrêté d’augmenter. Aujourd’hui, plus d’un stock de poisson sur trois, 35.4 % pour être exact, est pêché au-delà du seuil soutenable.

En clair : aujourd’hui, plus d’un tiers des poissons est pêché au détriment des générations futures. Et les deux tiers restants ? Ils sont presque tous pêchés “à la limite” : on en pêche la quantité maximum qui permet aux stocks de poissons de se renouveler. Et dans toutes les mers et océans du monde, il n’y a plus que 7% des stocks de poissons qui sont sous-exploités, qui sont suffisamment peu pêchés pour que les populations augmentent.

Qu’est-ce qu’un stock de poisson ? Un stock de poissons, c’est simple, c’est une espèce de poissons dans un habitat donné. Par exemple: le thon albacore de l’Atlantique nord ou la sardine du Golfe du Lion.

Si 35% des stocks sont surexploités, cette moyenne cache de grandes disparités entre les espèces et entre les différentes mers et océans.

 

 

Un problème mondial qui n’épargne pas la France et l’Europe

 

La Méditerranée par exemple, est l’une des mers les plus touchées par la surpêche : 2 tiers des stocks de poissons évalués y sont surpêchés. Il n’y a que l’Océan pacifique, au large des côtes sud américaines, qui fait pire.

[ SOURCE : FAO, La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, 2022, Figure 24 p.51 (pdf) ]

Aucune mer n’est épargnée. Pas loin de chez nous, dans la partie de l’Atlantique au large de l’Europe, c’est encore 27 % des espèces qui sont surpêchées. Plus d’un quart !  Ça reste énorme.

En 2013, l’Union européenne s’était donnée l’objectif de “zéro surpêche en 2020”. Même si y a eu quelques progrès, dont on vous parlera plus tard, on est encore très loin d’avoir éliminé la surpêche.

[ SOURCE : Union Européenne, RÈGLEMENT (UE) N°1380/2013 relatif à la politique commune de la pêche, 11 décembre 2013, Paragraphe 7 ]

Le bilan est donc sans appel : l’humanité prélève tellement de poissons que les stocks peinent à se renouveler. Et ce problème concerne aussi l’Europe.

 

Attention toutefois, les données qu’on vous donne sur les populations de poissons ou les pêches soutenables ou non soutenables, il faut bien comprendre qu’elles ne sont pas parfaites.

 

 

35% de stocks surexploités ? C’est plutôt un minimum

 

D’abord, ces données sont partielles. Tous les poissons ne sont pas évalués – et loin de là. Et parmi les poissons évalués, il n’y a que des espèces de poissons “commerciaux”, pêchés pour la revente et quelques espèces précises de poissons protégés. De nombreux poissons “mineurs” ne sont pas évalués du tout.

[ SOURCE : Duarte et. al., “Rebuilding Marine Life”, Nature, 2020, p.4 ]

Toutes les mers et océans non plus ne sont pas évalués avec la même attention. Les côtes africaines, asiatiques et océaniques sont moins suivies que les côtes européennes.

Le chiffre de “35% des stocks surpêchés” est donc probablement une estimation basse de la réalité.

 

Ensuite, la mesure elle-même de la “soutenabilité” est soumise à des incertitudes. Pour savoir si on surpêche ou non un poisson, il faut comparer les quantités pêchées à une estimation du stock total de poisson que contient la mer étudiée. Vous vous doutez bien que cette estimation du stock total est loin d’être facile, surtout quand on sait que quasiment un quart de la pêche mondiale n’est pas déclarée. Bonjour les incertitudes !

Enfin, et peut-être même surtout, le concept même de “pêche soutenable” est un concept fait pour maximiser la pêche, pas pour reconstituer des stocks de poisson.

On appelle pêche “soutenable” la quantité maximale d’un stock de poisson qu’on peut pêcher de façon durable, année après année. Quand on dépasse ce maximum, quand on pêche de façon “non soutenable”, la quantité de poissons pêchés les années suivantes va diminuer : le stock de poisson ne parvient pas à se renouveler assez vite.

On peut ainsi pêcher durablement un stock de poissons beaucoup plus bas qu’auparavant.

 

Des chercheurs ont calculé que si 100% de la pêche mondiale était “soutenable”, les stocks de poissons dans nos océans seraient stables et durables , mais il n’y en aurait qu’entre 37 et 50% du stock qu’il y avait avant la pêche.

[ SOURCE : Duarte et. al., “Rebuilding Marine Life”, Nature, 2020, p.5 ] 

On comprend que même “durable”, la pêche divise par au moins deux le nombre de poissons dans nos océans par rapport à pas de pêche du tout.

Jusqu’à présent, on parle de la pêche “en général”, comme si toutes les techniques de pêche se valaient. Mais en réalité, les océans ne se vident pas à cause des petits pêcheurs côtiers d’Océanie ou d’Afrique, le principal responsable de la surpêche c’est la pêche industrielle.

 

 

La pêche industrielle : max de pêche et max d’impacts

 

Les définitions de la pêche industrielle varient : est-ce que c’est à partir d’une certaine taille de bateau (+ 12 m en Europe), à partir d’une certaine puissance du moteur, ou à partir d’une certaine distance des côtes ? Il y a des débats parmi les chercheurs. Une chose est sûre : la pêche industrielle mobilise des bateaux + grands, avec des moteurs plus puissants, qui peuvent pêcher plus loin, plus longtemps, et avec des méthodes de pêche plus impactantes.

 

Cette pêche industrielle est celle qui s’est le plus développée depuis 1950. C’est simple : elle est responsable de 77% de l’augmentation de la pêche depuis cette date.

Autrement dit, sans les énormes vaisseaux industriels qui les parcourent, les mers et océans seraient bien plus garnis.

Surtout qu’aux poissons pêchés par les navires industriels, il faut ajouter toutes les prises annexes, les poissons “non voulus”  qui sont remis à l’eau, le plus souvent morts ou mourants. 93 % des prises annexes dans le monde sont le fait de la pêche industrielle qui attrape tout dans ses chaluts ou dans ces sennes.

[ SOURCE : Zeller et. al., “Global marine fisheries discards : A synthesis of reconstructed data, Fish and Fisheries, 2017, p.4 ]

Si on ajoute aux poissons pêchés les poissons rendus à la mer, la responsabilité de la pêche industrielle dans l’épuisement des stocks de poissons devient plus importante encore.

Et ce n’est pas fini ! Le problème de la pêche industrielle ne se limite pas aux prises de poissons. Il faut ajouter les dommages environnementaux. Les techniques de pêche visées sont le chalut de fond et la drague. On parle de bateaux qui grattent le fond marin à la recherche de coquilles saint-jacques, de crustacés ou de poissons de fond. Évidemment, ça gratte tout sur son passage et ça a beaucoup d’impacts sur la biodiversité. Le chalut de fond est loin d’être anecdotique. Avec au moins un quart des prises mondiales, c’est même le mode de pêche dominant.

Le leader mondial incontesté du chalutage de fond industriel, c’est la Chine. La Chine attrape plus de poissons par chalutage de fond que l’Indonésie, le Vietnam et l’Inde, les numéro 2 3 et 4 tous ensemble !

Cette méthode de pêche a d’autant plus d’impact que le chalut ou la drague pénètrent profondément dans le sol. Un chalut qui s’enfonce de 2-3 cm dans le sol détruit 5-15 % de la biomasse – si les barres pénètrent à + de 5cm, c’est 20% de biomasse perdue et quand une drague hydraulique s’enfonce à 16 cm, 41 % de la biomasse du fond est détruite sur son passage.

[ SOURCE Hiddink et. al., “Global analysis of depletion and recovery of seabed biota after bottom trawling disturbance”, PNAS, 2017 via OurWorldinData pour la visualisation  ]

En plus de perturber les écosystèmes, le chalut de fond met en danger une fonction primordiale des océans et particulièrement des fonds marins : la séquestration du carbone. Les océans absorbent un quart du CO2 émis par les activités humaines et jouent donc un rôle important pour limiter le changement climatique.

[Source : Watsons et. al., “Revised estimates of ocean-atmosphere CO2 flux are consistent with ocean carbon inventory”, Nature Communications, 2020 ]

Ce carbone est absorbé aussi bien par les algues que par les divers coquillages qui l’utilisent pour former leurs coquilles. Un chalut qui racle profondément les fonds marins peut non seulement tuer les algues et coquillages qui absorbent le carbone mais aussi libérer du carbone prisonnier des fonds.

 

Les impacts commencent tout juste à être mesurés. Une étude de 2020 évaluait à 30 % la perte de séquestration en carbone des grands fonds marins et ce, même 2 mois après le passage du chalut.

[ SOURCE : Paradis et. al., Persistence of Biogeochemical Alterations of Deep-Sea Sediments by Bottom Trawling, Geophysical Research Letters, 2020 ]

Une étude de mars 2023 – pas encore publiée au moment où je vous parle – estime que la mer du Nord perd entre 20 et 67% de sa capacité à séquestrer le carbone dans les sédiments. Juste à cause du chalut de fond !

[ SOURCE : Zhang et. al., “Impact of bottom trawling on long-term carbon sequestration in shelf sea sediments”, Soumise à revue en mars 2023 Et Inventaire des émissions norvégiennes ]

 

Que faire pour restaurer les populations de poissons et les sols marins ?

 

Alors, que faire pour restaurer les populations de poissons et les sols marins ?

D’abord, pour restaurer les populations de poissons et prévenir la surpêche, il y a les quotas de pêche. Limiter les quantités de poissons pêchables par espèce, mer, période et même par bateau a permis de soulager la pression de pêche sur de nombreux stocks de poissons.

L’Union Européenne a décidé en 1983 la mise en place de quotas ou totaux admissibles de captures pour chaque pays de l’Union. Cette politique s’est affinée à mesure qu’elle devenait de plus en plus appliquée par les Etats.

Ces quotas ont porté leurs fruits. Quand en 2003 l’Europe pêchait encore près de 2 fois plus que le seuil durable en l’Atlantique Nord Est, elle est aujourd’hui un quart en dessous.

Résultat : il y a 40 % de poissons en plus dans l’Atlantique européen aujourd’hui qu’en 2003.

Les quotas, quand ils sont fixés sans trop s’écarter des préconisations des scientifiques et qu’ils sont appliqués, bah ça marche.

[ SOURCE : JRC – STECF – Monitoring the performance of the Common Fisheries Policy, 2020 p.7 et 8 ]

 

Autre mesure qui s’impose, pour limiter l’impact de la pêche : limiter le chalut et, particulièrement, le chalut de fond.

Les pêcheurs industriels – qui fournissent aujourd’hui l’essentiel des poissons qu’on consomme – sont bien sûr réticents mais une étude récente sur les côtes Atlantiques européennes est encourageante. Elle montre que même une réduction très faible des temps de chalutage permettrait de préserver une large part des sols marins. Il suffit d’enlever les 4% de temps de chalut les moins efficaces pour préserver 30 % des fonds marins. Et si jamais les pêcheurs sont prêts à renoncer à 12 % de leurs passages, 50% des sols seront protégés et, rêvons un peu, une réduction du chalutage de 25% permettrait carrément de protéger 70 % des eaux atlantiques européennes.

SOURCE : IECS – Conseil international pour l’exploration de la mer – Conseil de 2021, “EU request on how management scenarios to reduce mobile bottom fishing disturbance on seafloor habitats affect fisheries landing and value”, Table 2, p.7

Comment est-ce possible que de si petites réductions puissent avoir autant d’impact ? Parce que les chalutiers, ainsi que vous le voyez en mer du nord, ne passent pas aussi souvent sur tous les fonds marins. Certains fonds – en rouge – sont raclés plus de 10 fois par an et d’autres, en bleu, même pas une fois tous les 10 ans.

SOURCE :  IECS – Conseil international pour l’exploration de la mer, Report of the Working Group on the Ecosystem Effects of Fishing Activities, 2015, FIgure 3.1 p.12

Il suffirait donc de ne plus passer dans ces zones rarement visitées pour nous retrouver avec une large proportion de la Mer du Nord complètement indemne du chalutage de fond.

 

Autre piste pour diminuer les impacts de la pêche : garder les chaluts, les sennes et les dispositifs de pêche à grande échelle MAIS agrandir la maille des filets.

Avec des filets un peu plus larges, on diminue les captures annexes et on améliore la sélectivité des poissons visés : on pêche des poissons plus grands donc plus vieux. C’est cool pour reconstituer les stocks et, souvent, ça profite aux pêcheurs. Un  poisson plus grand et plus charnu se vend plus cher au kilo.

SOURCE : Conservation Evidence, “Use a larger mesh size – Revue de littérature” 

 

Autre moyen parfait pour aider les stocks de poissons à se reconstituer : les aires marines protégées ou AMP. Aujourd’hui, 29.6 millions de km² de mers et d’océans sont couverts par une AMP. Dis comme ça, ça ne représente rien, mais c’est l’équivalent des territoires de la Russie, de la Chine et du Kazakhstan combinés ! (17+9.6+2.7 = 29.3)

SOURCE : UNEP-WCMC, World Database on Protected Areas. Protected Planet, 2023

Problème : la surface des mers et océans est beaucoup plus grande que celle des terres émergées. Ces 29.6 millions de km² d’aires marines protégées ne représentent en réalité que 8.1 % (8.16) des mers et océans. Si vous avez vu notre vidéo sur les Aires marines protégées, vous savez qu’il ne suffit pas d’écrire sur un papier qu’une zone est protégée pour qu’elle le soit effectivement – il faut des réglementations et des contrôles.

Pour ne rien ajouter, seules les AMP “strictes” interdisent les modes de pêches industriels les plus impactants. Et aujourd’hui, ces AMP strictes ne représentent que 9.1 millions de km² soit 2.5 % des océans, autrement dit, quasiment rien.

SOURCE : Marine Protection Atlas, List of fully/highly protected areas by countries, Juillet 2023

Si on passait une plus grande proportion de l’océan – et particulièrement une plus grande proportion des côtes – sous protection stricte et donc à l’abri de la pêche la plus destructive, les stocks de poissons pourraient se reconstituer.

Les pêcheurs pourraient d’ailleurs en bénéficier. Les chercheurs ont montré que, aux abords des aires marines en protection stricte, les stocks de poissons étaient plus abondants.

SOURCE : Di Lorenzo et. al., “Assessing spillover from marine protected areas and its drivers: A meta-analytical approach”, Fish and Fisheries, 2020

 

Manger moins de poissons ?

 

Enfin, dernière solution : manger moins de poissons marins. Aujourd’hui, chaque humain consomme en moyenne 11.2 kilos de poissons par an.

[ Calcul : 86.785 Mt de poissons consommés par 7.740 milliards d’humains = 11.2 kg par an et par personne. ]

 

Vue qu’aujourd’hui 35 % des stocks de poissons sont surpêchés, on peut imaginer qu’un niveau de consommation “soutenable” serait encore inférieur. Mettons qu’un ordre de grandeur soutenable soit de 9-10 kg de poissons marins consommés par personne et par an.

Quand vous voyez qu’un Portugais en mange en moyenne 56 kg, un Espagnol ou un Norvégiens autour de 40 et un Chinois 23, on se dit que beaucoup d’humains devront pas mal diminuer leur consommation de poisson. Les Français ne sont pas en reste avec les 29 kg de poissons et produits de la mer consommés chaque année !

Si on veut aller vers les 9-10 kg annuels d’une pêche soutenable, il faudrait donc manger 3 fois moins de poissons et produits de la mer !

 

Aquaculture une solution ?

 

L’aquaculture désigne les fermes de poissons d’élevage, mais aussi de coquillages et de crustacés. Alors que jusqu’aux années 80, l’aquaculture n’existait quasiment pas à l’échelle mondiale elle a explosé après les années 90 et le maximum de pêche en mer. Aujourd’hui, on élève autant de tonnes de poissons qu’on en attrape dans les rivières et les océans.

Cette révolution de l’aquaculture, faut dire que c’est surtout une histoire asiatique

L’Asie représente aujourd’hui 89 % de l’aquaculture de poisson et l’intégralité de la culture d’algues. La Chine a elle-seule représente 57 % de l’élevage de poissons, de crustacés et de mollusques du monde !

SOURCE :  FAO, La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, 2022 Table 7, p.32

 

Malheureusement, les solutions parfaites, ça ne court pas les rues, ni les océans. Y a deux limites à l’aquaculture.

D’abord, certains poissons d’élevage sont nourris avec des poissons sauvages. Oui oui, il faut aussi de la pêche pour nourrir certains poissons d’élevage. Pour produire 1kg de crevettes d’élevage, on est passé de 2,8 kilos de poissons sauvages à 0,8. Pour l’anguille, la truite, et les poissons de mer en général, on voit le même genre de progrès.

Mais y a beaucoup mieux. 3 espèces de poisson d’eau douce font la moitié de la production aquacole mondiale, c’est les carpes, les poisson-chats, et le tilapia, dont vous n’avez peut-être jamais entendu parler mais qui est le poisson le plus consommé dans le monde, surtout en Asie et en Afrique.

Ces 3 espèces de poisson qui font la moitié de la production, elles sont produites en consommant quasiment aucun poisson sauvage.

Maintenant, on arrive à la vraie limite de l’aquaculture comme solution à la surpêche. Vous l’imaginez bien, produire des poissons, des crevettes, des crustacés d’élevage, ça vient avec pas mal d’impacts environnementaux.

 

Prenons les crevettes d’élevage. On a vu qu’elles consomment encore pas mal de poissons sauvages. Mais c’est pas leur seul problème. De nombreux élevages de crevettes se font dans la mangrove, un écosystème ultra riche, qui est dézingué en quelques années par les déchets d’élevage.

[ SOURCE : Institut du développement durable et des relations internationales, 2019, Getting the shrimp’s share. Mangrove deforestation and shrimp consumption, assessment and alternatives, Table 3 p.26 ]

L’aquaculture, c’est aussi des rejets d’azote, qui polluent les eaux environnantes. C’est des parasites plus fréquents qui peuvent s’échapper avec un ou deux poissons et envahir les populations sauvages d’à côté. C’est l’utilisation de pesticides, d’antibiotiques qui créent ensuite des résistances. Bref : il y a plein d’impacts environnementaux à l’élevage d’un saumon, d’une carpe ou de notre nouvel ami le tilapia.

 

Est-ce que ça veut dire que l’aquaculture est un problème plus qu’une solution ? Bah non, mais ça veut dire que l’aquaculture doit elle-même devenir durable et limiter au maximum ses impacts. Et ça veut dire aussi que ça ne serait pas une bonne idée de remplacer toute la pêche sauvage par de l’aquaculture.

Il vaut mieux pêcher dans l’océan les stocks de poissons qui se reconstituent durablement plutôt que de développer une aquaculture qui aura nécessairement d’autres impacts. L’aquaculture est donc un complément aux poissons sauvages que nous donnent les mers et les océans, mais c’est une solution qui a des impacts et qui n’est pas sans problèmes.