Arafat et l’OLP, de la lutte armée à la négociation. La résistance palestinienne en exil (1949-1982) - Osons Comprendre

Arafat et l’OLP, de la lutte armée à la négociation. La résistance palestinienne en exil (1949-1982)

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Après 1948, les Palestiniens sont privés d'un État et sont dispersés dans les pays voisins. Depuis la Jordanie puis le Liban, utilisant tantôt lutte armée, tantôt la terreur, tantôt la négociation, les Palestiniens en exil organisent, autour de la figure d'Arafat, leur résistance. De la Nakba à la Guerre du Liban, retour sur ces les premières décennies de la résistance palestinienne.

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Points clés

  • Après la création de l’Etat d’Israël en 1948 et la première guerre israélo-arabe, près de 750 000 Palestiniens se retrouvent réfugiés loin de leurs terres, sans possibilité de retour. Le territoire prévu pour un Etat palestinien se retrouve, après la défaite, administré par Israël, la Jordanie et l’Egypte. La cause palestinienne, privée d’Etat, s’organise alors depuis l’extérieur.

 

  • Durant les années 50-60, la résistance palestinienne est contrôlée par l’Egypte de Nasser. Elle n’aspire pas à la création d’un Etat palestinien indépendant mais s’inscrit plutôt dans la visée panarabiste du dirigeant égyptien. Le Fatah de Yasser Arafat – crée en 1959 et soutenu par l’Algérie indépendante- tente bien de faire exister une aspiration proprement palestinienne mais l’OLP – alors dirigée par Chukairy – reste sur des positions panarabistes.

 

  • La défaite arabe lors de la Guerre des 6 jours de 1967 change la donne. Le prestige de Nasser s’évanouit et les actions du Fatah contre les infrastructures et positions israéliennes commencent à séduire les Palestiniens. Le Fatah repousse l’armée israélienne lors de la bataille du camp de réfugiés de Karameh, en Jordanie. Son prestige et sa force militaire sont tels qu’en 1970 le pouvoir jordanien décide de chasser, manu militari, la résistance palestinienne. C’est “Septembre noir”, la résistance se réfugie alors au Liban.

 

  • Les années 70’s sont le théâtre de nombreux actes de terrorisme international. Le Fatah comme le FPLP se livrent à des détournements d’avions et des assassinats. L’histoire retiendra notamment la prise d’otage aux JO de Munich de 1972 où 11 athlètes israéliens ont été assassinés par un commando du Fatah. Si cette vague d’attentats a choqué l’opinion publique internationale, elle a aussi permis à l’OLP dirigée par le Fatah d’acquérir une reconnaissance et de devenir l’organe représentant officiellement la Palestine à l’étranger.

 

  • Le discours d’Arafat à l’Assemblée générale de l’ONU en 1974 marque ainsi le tournant négociateur des Palestiniens. A partir de là, l’OLP ne demande plus la libération intégrale de la Palestine ni le départ de tous les Juifs arrivés sur place après 1948. Malgré cette inflexion, le Fatah n’abandonne pas la lutte armée : de nombreux militaires et civils israéliens trouvent la mort dans des attaques incessantes.

 

  • Au Liban où elle s’est réfugiée, la résistance palestinienne commence à agacer les communautés locales, à commencer par les milices chrétiennes d’extrême droite. Ces tensions sont exacerbées par la stratégie de “punition collective” d’Israël qui, à chaque raid palestinien, répond en bombardant infrastructures et villages libanais. Une guerre civile éclate au Liban entre Palestiniens et forces de gauche libanaises (souvent druzes) d’un côté, et les milices chrétiennes. Israël instrumentalise cette opposition en armant les chrétiens.

 

  • La situation au Liban ne progresse pas assez vite pour la droite israélienne ayant pris le pouvoir en 1979. Ariel Sharon, alors ministre de la Défense, propose d’envahir le sud Liban pour être définitivement débarrassé de la résistance palestinienne à la frontière nord d’Israël. C’est l’opération “Paix en Galilée” qui, à l’été 1982, voit 25 000 soldats israéliens franchir la frontière et, après une série de victoires éclatantes, acculer les Palestiniens et leurs alliés dans un Beyrouth assiégé. Exsangue, la population libanaise se désolidarise des combattants palestiniens qui négocient, avec les États-Unis et la France, leur départ pour Tunis.

 

  • Si la victoire militaire israélienne semble évidente – le Fatah ne menace plus la frontière nord – elle est néanmoins entachée de deux faits qui laisseront des traces indélébiles. Israël aura laissé se perpétrer le pire massacre de la guerre civile libanaise, celui de Sabra et Chatila lors duquel des milliers de réfugiés palestiniens désarmés ont été tué par des miliciens chrétiens, sous la bénédiction de Tsahal. Enfin, si l’opération “Paix en Galilée” a bien permis de se débarrasser des Palestiniens, Israël hérite d’un nouvel ennemi à sa frontière nord : la milice chiite libanaise du Hezbollah qui s’est formée, avec le soutien de la République islamique d’Iran, à l’occasion de l’occupation israélienne du sud-Liban.

Sources et références

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Le script de la vidéo, avec toutes les références

 

Dans une première vidéo, on a exploré les origines du conflit, de l’invention du sionisme en Europe au 19ème siècle, jusqu’à la création de l’Etat d’Israël en 1948, et à la première guerre israélo-arabe, qui a abouti pour les Palestiniens à la catastrophe de la Nakba, avec environ 750.000 personnes qui ont perdus leur terre, leur maison, et sont devenus des réfugiés.

C’était il y a 75 ans.

Dans une deuxième vidéo, on a vu comment Israël, jeune État vulnérable entouré de voisins hostiles en 1949, est devenu en 30 ans une puissance régionale dominante, soutenue par les Etats-Unis, dotée de la bombe atomique, et en paix avec son voisin le plus dangereux jusque là : l’Egypte.

 

Aujourd’hui, on va vous raconter comment cet homme, Yasser Arafat est devenu le leader charismatique de la cause palestinienne. On va voir comment il a mené le combat pour un Etat palestinien, à la tête de son parti laïc et socialisant, le Fatah, puis comme dirigeant de l’OLP, l’Organisation de libération de la Palestine.

 

On va parler de lutte armée, de terrorisme et de Septembre noir, de la guerre au Liban d’Ariel Sharon pour neutraliser Arafat par la force, et de l’adoption progressive par Arafat et l’OLP d’une stratégie de négociation s’appuyant sur le droit international, stratégie qui a aboutit dans les années 90 au processus de paix avec Ytskhak Rabin.

Cette histoire du combat palestinien avant le Hamas, un combat souvent mené par des exilés, depuis l’extérieur du territoire d’Israël, elle peut paraître un peu lointaine aujourd’hui, mais nous on est convaincus que la connaître est indispensable pour bien comprendre le présent du conflit israélo palestinien.

Cette histoire est souvent dramatique, mais elle est aussi passionnante. Installez-vous confortablement, c’est parti pour notre troisième volet de l’histoire du conflit israélo-palestinien.

 

Arafat et l’OLP. Une résistance palestinienne hors de Palestine

 

Pour comprendre l’histoire de Yasser Arafat et de la résistance palestinienne, il nous faut démarrer notre voyage historique en 1949. La première guerre israélo-arabe vient de se terminer, et les Palestiniens payent la défaite au prix fort.

L’Etat Palestinien prévu en 1947 par le plan de partage de l’ONU est enterré. Son territoire est grignoté par Israël, mais aussi par la Transjordanie, et par l’Egypte, qui contrôle la bande de Gaza.

Au-delà du territoire, le peuple palestinien a subi le traumatisme de la Nakba, la catastrophe : environ 750 000 Palestiniens ont été chassés de chez eux ou ont fui pendant la guerre et se retrouvent réfugiés.

Très rapidement, il devient clair que ces réfugiés de guerre ne pourront pas regagner leurs maisons, leurs champs et leurs villages, car Israël interdit fermement tout droit au retour.

Ces réfugiés de la Nakba n’ont pas tous été traités de la même manière, selon l’endroit où ils sont arrivés.

En Jordanie – qui, après 49, annexe la Cisjordanie – les Palestiniens forment plus des 2 tiers de la population et ils sont traités en égaux.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 3 – L’accomplissement des prophéties (1947-1967), 2007, p.318-319 ]

A Gaza, administrée par l’Egypte, la situation des réfugiés est misérable. Le pouvoir égyptiens les parque dans des camps surpeuplés et leur interdit de s’installer sur le territoire égyptien.

Au Liban, les Palestiniens sont – à l’exception des plus éduqués – maintenus dans des camps sous le contrôle de l’armée et de l’ONU et ne deviendront jamais des Libanais.

En Syrie, seuls 20 % des réfugiés vivent dans des camps. Les Palestiniens sont mieux traités, ils ont même accès à des emplois dans la fonction publique et dans l’armée syriennes. Mais, comme en Egypte ou au Liban, ils restent une population étrangère.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 3 – L’accomplissement des prophéties (1947-1967), 2007, p.315-319 ]

 

Cette condition de réfugiés, obligés de rester étrangers dans les pays arabes voisins, a contribué à renforcer l’identité et le nationalisme palestinien. Comme le note l’historien Henry Laurens, grand spécialiste de la région, si tous les réfugiés “ne se sentent pas totalement Palestiniens à leur arrivée, ils sont bien forcés de le devenir”.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 3 – L’accomplissement des prophéties (1947-1967), 2007, p.316 ]

C’est aussi en 1949 qu’est créée l’UNRWA, une Agence des Nations unies dont la mission est de s’occuper des réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient et de leurs droits. Si ce nom vous dit quelque chose, c’est normal. Encore aujourd’hui, c’est l’une des principales institutions qui apporte de l’aide humanitaire aux populations palestiniennes, mais aussi des soins, de l’éducation. Début 2024, l’UNRWA est dans le viseur d’Israël, qui l’a accusé sans fournir de preuves de complicités avec le Hamas pour essayer de faire supprimer ses financements.

[ SOURCES : Haaretz, “UNRWA Chief Tells Haaretz: We Take Israel’s Claims of Hamas Infiltration Seriously, but Yet to See Evidence Against Gaza Employees”, 20/02/24  et The Guardian, “US intelligence casts doubt on Israeli claims of UNRWA-Hamas links, report says”, 22/02/24  ]

 

L’UNRWA considère que tous les Palestiniens qui ont dû quitter leur territoire en 1948 sont des réfugiés, qui ont droit au retour. L’UNRWA accorde également le statut de réfugiés aux déplacés de la guerre de 1967 et aux “descendants directs” masculins de la Nakba. Ouep, les mères ne transmettent pas le statut de réfugié, seulement les pères. L’UNRWA s’est calé sur le droit de la nationalité dans la région. Cette transmissibilité du statut de réfugié n’est pas prévue par la convention de 1951 de l’ONU sur les réfugiés. En cela, le cas des réfugiés palestiniens de l’UNRWA est particulier, et, comme vous vous en doutez Israël n’est pas le plus grand fan de cette organisation de l’ONU.

[ SOURCE : Ruth Lapidoth et Pierre Lurçat, “Aspects juridiques de la question des réfugiés palestiniens”, Pardès, 2003, §§ 6-13, UNRWA, “Consolidated Eligibility and Registration Instructions”, p.3 et Sylviane de Wangen, “Le droit au retour des réfugiés”, Confluences méditerranéennes, 2008 ]

 

Cela dit, il faut aussi qu’on vous parle de la politique des Etats arabes. En 1959, la Ligue arabe a voté une résolution qui ordonne à ses membres de “protéger l’identité nationale palestinienne et le droit au retour” notamment…. en refusant la nationalité aux Palestiniens réfugiés sur leur sol.

[ SOURCE : Ligue des États arabes, Résolution 1547 de 1959, via Abou Salem, “The Right to Return for Palestinian Refugees: A Crisis of Recognition under International Law”, 2021, p.216 ]

Autrement dit : “on soutient ta lutte, mais en attendant, reste étranger, même si t’es sur mon sol depuis 10 ans et que tu n’as aucun espoir de revenir dans ton village de 48”. Sympa le soutien.

 

Comme on le précise dans cette vidéo, seule la Jordanie a donné la nationalité aux Palestiniens. Et 75 ans plus tard, la situation n’a pas changé.

Maintenant, on comprend comment le statut et le vécu des réfugiés ont contribué à créer une identité nationale palestinienne et pas simplement arabe.

C’est important, parce que si aujourd’hui, il est évident que les Palestiniens veulent un Etat palestinien, dans les années 1950, un projet alternatif existait, le projet de Nasser d’un grand Etat panarabe.

 

 

La cause palestinienne à l’ombre de Nasser, la Palestine comme cause arabe (1948-1967)

 

Dans les années 1950 et jusqu’en 1967, la cause palestinienne est essentiellement défendue par les Etats arabes. Tant par les armes que par la voie diplomatique, ce sont les Etats arabes, et l’Egypte de Nasser en tête, qui luttent contre Israël et pour le droit au retour des réfugiés. On vous a raconté cette histoire en détail dans cette vidéo.

Bien sûr, les Palestiniens organisent aussi des mouvements de résistance depuis les pays où ils ont trouvé refuge. Au Liban, des Palestiniens créent autour du chrétien Georges Habache, le “Mouvement des nationalistes arabes”. Séduits par le projet de Nasser le but du mouvement est la Libération de la Palestine, par la formation d’un grand État arabe uni, plutôt que par la création d’un Etat palestinien indépendant.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 3 – L’accomplissement des prophéties (1947-1967), 2007, p.626 ]

En Egypte, c’est une autre figure qui émerge, celle de Yasser Arafat.

 

Yasser Arafat et la création du Fatah : pour une Palestine indépendante

 

Depuis les universités arabes égyptiennes, un jeune militant palestinien appelé à un grand destin, Yasser Arafat, coalise les étudiants palestiniens. Il le fait d’abord autour des Frères musulmans, le mouvement islamiste politico-religieux né en Egypte qui, bien plus tard, a donné naissance au Hamas. On y reviendra.

Mais lorsque Nasser prend le pouvoir, Arafat émigre au Koweït, où il fonde, en 1959, le Fatah, acronyme pour “Mouvement national de Libération la Palestine”. Il est rejoint par des étudiants palestiniens de Syrie, dont un certain Mahmoud Abbas, l’actuel président de l’Autorité palestinienne.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 3 – L’accomplissement des prophéties (1947-1967), 2007, p.635-636 ]

 

A l’origine du Fatah, on trouve le désir d’émanciper la cause palestinienne de la tutelle des Etats arabes et notamment de l’Egypte de Nasser. Hors de question de faire de la Palestine un simple maillon d’un grand Etat arabe. Arafat et ses compagnons veulent une Palestine indépendante.

Au début des années 60, le tout jeune Fatah réunit plusieurs centaines de militants et prépare depuis l’étranger le passage à la lutte armée.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 3 – L’accomplissement des prophéties (1947-1967), 2007, pp.635-636 ]

 

C’est l’époque des grands mouvements de décolonisation, au quatre coins de ce qu’on appelle alors le Tiers-monde.

L’Algérie – qui vient d’arracher à la France son indépendance en 1962 – accompagne le développement du Fatah, forme ses militants à la guérilla et, surtout, l’inclut dans le mouvement révolutionnaire mondial. Fini l’influence idéologique des Frères Musulmans, les mentors du Fatah d’Arafat seront désormais le FLN alégrien, le Cuba de Che Guevara ou encore la Chine populaire de Mao.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 3 – L’accomplissement des prophéties (1947-1967), 2007, p.734-735 ]

Même si la plupart de ses membres sont musulmans, le Fatah est un mouvement laïc, et de gauche. Il appartient à l’internationale socialiste, comme le PS Français… ou le parti travailliste israélien.

 

Face à la création du Fatah, Nasser se rend compte que défendre la Palestine sans les Palestiniens ne suffit plus. Ils aspirent à l’émancipation et veulent être représentés. Pour ne pas être débordés, Nasser et la Ligue arabe décident en 1964 de créer l’OLP – l’Organisation de libération de la Palestine.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 3 – L’accomplissement des prophéties (1947-1967), 2007, p.719 et sq. ]

A sa tête on aura Ahmed Chukairy – un diplomate palestinien “sous contrôle”, apprécié des Syriens et surtout de Nasser. Le MNA de Habache et le Fatah d’Arafat ne sont pas représentés dans cette OLP qui, pourtant, se veut fédératrice des luttes palestiniennes éparpillées.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 3 – L’accomplissement des prophéties (1947-1967), 2007, p. 720 et 729 ]

 

Lutte armée, terrorisme, Septembre Noir

 

Dès 1965, le Fatah commence ses sabotages et ses attaques contre Israël.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 3 – L’accomplissement des prophéties (1947-1967), 2007, pp. 751, 754-759 et 773 ]

Le MNA, lui, se voit interdire par Nasser le passage à la lutte armée.

Malgré quelques coups d’éclats, les Palestiniens savent bien qu’ils ne font pas le poids face à l’armée israélienne. Le but du Fatah n’est pas de gagner avec ses petites mains une guerre contre Israël, il est bien trop faible, mais d’entraîner les pays arabes dans la confrontation armée avec Israël.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.79-80 ]

 

En 1967, Israël estime qu’une offensive des pays arabes est imminente, et choisit d’attaquer en premier. C’est La Guerre des 6 jours. Les armées arabes de l’Egypte, de la Syrie, de la Jordanie, sont toutes laminées.

A partir de 67, ce n’est plus l’Egypte de Nasser qui défendra principalement la cause palestinienne mais les Palestiniens eux-mêmes. Et ils ne le feront plus seulement depuis l’étranger – depuis la Jordanie ou le Liban – mais aussi en Palestine, tout juste conquise et occupée par l’ennemi israélien.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.79-80 ]

 

A la fin des années 60, Le Fatah multiplie les sabotages contre des voies ferrées ou des machines et les attentats à la bombe ou à la voiture piégée. Des militaires et policiers sont tués, ainsi que quelques civils. Israël réplique en détruisant les maisons qui abritent ces “terroristes”.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.84 ]

Dès 1967, on voit se poser les bases d’une rhétorique toujours à l’œuvre aujourd’hui et que l’historien Henry Laurens décrit parfaitement.

Pour Israël, ces actes violents – qui blessent ou tuent de plus en plus de civils – sont des actes de terrorisme et leurs auteurs doivent être punis comme des criminels.

Pour les Palestiniens, la lutte armée est posée comme une entreprise de libération fondée sur le droit de résistance à l’oppression. Les combattants arrêtés doivent être traités comme des prisonniers de guerre. Pour eux, c’est Israël qui se rend coupable de terrorisme en ne respectant pas la convention de Genève dans le traitement des prisonniers palestiniens.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.84 ]

 

Cette stratégie du Fatah, de se concentrer sur la résistance armée depuis la Palestine et la Cisjordanie est payante : l’afflux de volontaires désireux de combattre fait de lui la première organisation palestinienne.

En mars 68, le Fatah acquiert un prestige immense en tenant tête à l’armée israélienne lors de la bataille de Karameh, un village situé à la frontière de la Jordanie. 400 combattants Palestiniens, appuyés par l’artillerie jordanienne, empêchent Israël de raser ce camp de réfugiés en lui infligeant des pertes importantes.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp.136-137 ]

La propagande du Fatah en fait des caisses : les fedayins, les combattants palestiniens ont montré que l’armée israélienne n’est plus invincible. Arafat et son keffieh acquièrent une aura internationale et le Fatah prend le contrôle de l’OLP en 1969.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp 138-140 et 202 ]

 

A la fin des années 60, le Fatah devient la force dominante en Jordanie, au point de faire de l’ombre au roi Hussein. Régulièrement, des petits affrontements opposent les troupes du roi aux fedayins palestiniens.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp.84,137-138 et 183-184 ]

Les autres factions palestiniennes sont aussi jalouses du prestige du Fatah. Le Front populaire de libération de la Palestine – la nouvelle organisation fondée par Georges Habache – n’a pas participé à Karameh et prend la voie du terrorisme international pour faire parler d’elle.

Le FPLP se lance alors dans les détournements d’avions. Le Rome-Tel Aviv de la compagnie israélienne El AL est détourné vers Alger fin juillet 68. En février 69, un autre avion El Al est attaqué à Zurich, et en septembre 70, le FPLP détourne 3 avions et leurs passagers vers un aéroport jordanien.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp. 173-175, 204 et 319-321 ]

Si ces détournements ne font quasiment aucune victime, ils exaspèrent à la fois le Fatah et les pays arabes, au premier rang desquels la Jordanie qui, en plus d’abriter la résistance palestinienne, est la cible de représailles israéliennes.

 

Les 3 avions détournés en septembre 70 sont la goutte de trop. Le roi Hussein décide de taper du poing sur la table, et lance une attaque sur des quartiers palestiniens d’Amman, la capitale jordanienne.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.323 ]

C’est “Septembre noir”, la guerre civile, qui oppose les forces jordaniennes à la résistance palestinienne. Ces affrontements font entre 3000 et 5000 morts et des dizaines de milliers de sans abri en très grande majorité des civils et Malgré tous les efforts d’un Nasser mourant ils se soldent par l’expulsion de la résistance palestinienne hors de Jordanie à l’été 1971. Arafat et ses hommes prennent alors leurs quartiers au Liban.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp. 324-329 et 372-373 ]

 

Le Fatah d’Arafat donne aussi dans le terrorisme international et les détournement d’avions mais pas en leur propre nom. Ils créent une organisation ad hoc, baptisée “Septembre noir” pour rappeler la trahison des Jordaniens, et abattent le premier ministre jordanien de l’époque, Wasfi Tall.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp. 380 et 407-8 ]

Cette organisation est responsable de l’attentat aux JO de Munich en septembre 1972 lors duquel 11 athlètes de la délégation israélienne ont été abattus.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.414 ]

Ces meurtres de Juifs sur le sol allemands devant les caméras du monde entier choquent la communauté internationale. L’armée israélienne réplique par des raids au Liban et en Syrie et des assassinats ciblés. Arafat répond par de nouveaux attentats contre des cibles israéliennes en Europe.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp. 418-426 ]

Avec ces attentats, les Palestiniens espèrent rendre visibles leurs malheurs et s’attirer le soutien des chancelleries internationales. Cette stratégie n’a pas complètement échoué : en mai 73, déjà affaibli par le scandale du Watergate, le président américain Nixon reconnaît dans son discours de politique étrangère l’existence de “droits légitimes des Palestiniens” et fait le lien entre le terrorisme international et la frustration palestinienne.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.447 ]

 

C’est suffisant pour le Fatah qui va alors se distancier du terrorisme pour structurer militairement la présence palestinienne au Liban.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp.451-452 ]

Les actes terroristes palestiniens ne cessent pas pour autant. Des militants plus radicaux comme Wadi Haddad, Abou Nidal ou le vénézuélien Carlos continuent les assassinats et les détournements d’avion au nom de la cause palestinienne. Ces attentats exaspèrent le Fatah. Abou Nidal est condamné à mort par un tribunal palestinien et d’autres terroristes sont exécutés par des commandos du Fatah.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp. 561 et 571-573 ]

La défaite des armées arabes lors de la guerre du Kippour de 1973 et la marche vers la paix entamée par l’Egypte vont finir par modifier la donne.

 

Le tournant négociateur du Fatah

 

Après la défaite, la Jordanie ne peut plus conserver son privilège de négocier au nom des Palestiniens dans les conférences internationales. La France de Valéry Giscard d’Estaing rencontre Arafat à Beyrouth en octobre 1974 et pousse pour que l’OLP soit invitée à la prochaine Assemblée générale de l’ONU, prévue pour novembre.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp 576-577 ]

Le discours qu’Arafat prononce à la tribune de l’ONU le 13 novembre 74 fera date.

Arafat rappelle d’abord la légitimité de sa lutte pour la libération nationale et l’autodétermination par laquelle sont passés de nombreux délégués des 130 pays de l’ONU.

D’ailleurs, quand il dit “Monsieur le Président”, il s’adresse à Abd El Aziz Bouteflika, combattant du FLN devenu ministre des affaires étrangères de l’Algérie indépendante, et président de l’Assemblée générale de l’ONU à ce moment-là.

Ensuite Arafat prononce son célèbre appel à la paix : ne laissez pas tomber ce rameau d’olivier que j’ai en main, à côté de mon fusil de combattant de la liberté.

 

La paix pour l’OLP et Arafat, c’est un Etat Palestienien unique et démocratique, accueillant arabes et juifs, je cite, “vivant actuellement en Palestine et qui acceptent de coexister avec les arabes pacifiquement et sans discrimination”.

[ SOURCES : ONU, Assemblée Générale – 29ème édition – 2282ème plénière – Point n°108 “Question de Palestine (suite)”, §43 et 75, et Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.579 ]

Cet appel à la paix  est une double inflexion stratégique majeure pour l’OLP. D’abord, à côté de la lutte armée, la voie politique et diplomatique devient une possibilité de plus en plus utilisée. Ensuite, l’OLP sort du maximalisme. Qu’est-ce que ça veut dire ?

 

A partir de 1974, l’OLP ne vise plus nécessairement la libération totale de la Palestine ni l’expulsion des juifs qui n’étaient pas déjà présents au moment de l’indépendance. L’OLP accepte la présence des juifs en Palestine et s’ouvre à une libération “par partie” du territoire palestinien.

[ SOURCES : OLP, Programme politique adopté par le 12ème Conseil national palestinien (9 juin 1974), Point 2 / ONU, Discours d’Arafat le 13 novembre 1974, §43 et 75 / Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 3 – L’accomplissement des prophéties (1947-1967), 2007, pp 721-722 et Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.560 ]

 

Attention ici, il faut être bien clair. Cette inflexion de l’OLP ne signifie pas pour autant l’arrêt des attaques et des attentats. A côté de nombreuses cibles militaires, les attentats palestiniens ont tué 82 civils entre le printemps 1974 et le printemps 1975.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011 pp.562; 593; 604 ]

Mais le pas vers la paix de 74 est suffisant pour permettre à Arafat – en tant que président de l’OLP – d’être reconnu comme le représentant de la Palestine par le monde entier. L’OLP se voit même accorder le statut d’observateur à l’ONU.

[ SOURCE : ONU, Résolution 3237 de l’Assemblée générale – 22 novembre 1974 ]

 

Cette vague de reconnaissance internationale rejaillit aussi en Palestine. En 1976, les candidats de l’OLP gagnent les élections municipales organisées par les israéliens en Cisjordanie. Cette victoire électorale n’a donné à l’OLP qu’un pouvoir administratif relativement faible mais le prestige local est important : pour la première fois, la population a privilégié les militants de l’OLP aux grandes familles jordaniennes.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp.641-642 ]

Les Israéliens se sont mordus les doigts d’avoir élargi le droit de vote au-delà des notables. Pour affaiblir les nationalistes de l’OLP, les autorités israéliennes ont alors décidé de favoriser les activités de leurs grands rivaux : les Frères musulmans. On y reviendra.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.642 ]

 

Cela dit, comme le gros de la population palestinienne qui est en exil, le quartier général de l’OLP n’est pas en Palestine, mais à Beyrouth, au Liban.

 

 

Guerre du Liban, l’exil loin d’Israël, et le switch confirmé d’Arafat vers la négociation

 

Au Liban, la présence de l’OLP, une organisation militaire étrangère et armée, dérange les Phalanges, une milice/parti politique chrétien ultra nationaliste, qui y voit une menace pour la souveraineté du pays.

Surtout qu’à chaque attentat commis en Israël par des Palestiniens, Israël réplique en bombardant le Liban. Les bombes touchent bien sûr les camps palestiniens mais aussi les infrastructures, quartiers et villages libanais. Pour Golda Meïr, alors Première ministre d’Israël, la population libanaise porte une “responsabilité collective” parce qu’elle abrite les fedayins.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp. 389-390, 409-411; 550-552 ]

La société libanaise, et notamment les chrétiens et les chiites du sud, est de plus en plus exaspérée par ces punitions collectives et commence à en vouloir aux Palestiniens.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp. 433-435 ]

Les accrochages se multiplient au Liban et en avril 1975, ils dégénèrent en guerre civile. Les milices chrétiennes affrontent les Palestiniens et leurs alliés “progressistes” qui, au Liban, sont le plus souvent musulmans ou druzes.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp. 598-601 ]

 

On ne peut pas vous détailler ici toute l’histoire – extrêmement complexe et violente – de la guerre civile libanaise. Ce qui importe pour notre histoire, c’est le soutien militaire d’Israël aux milices chrétiennes. Dès 76, Israël fournit des armes et des blindés aux chrétiens, forme de nombreux soldats au combat et soigne leurs blessés. Le but : harceler les Palestiniens et leur faire quitter le Liban.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp. 616, 638, 648-649, 658-659, 680 et sq. ]

Une milice chrétienne du sud du pays “L’armée du Liban sud” est même contrôlée directement par l’état major israélien.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.709 ]

 

Un autre opposant à l’OLP va s’inviter dans le conflit : la Syrie. Les forces d’Hafez el Assad – le père de Bachar – entrent au Liban en 1976 pour s’interposer dans cette guerre civile et mettre au pas l’OLP. Leur idée : fédérer derrière la Syrie une OLP renouvelée, un Liban contrôlé et une Jordanie alliée avec l’idée de faire contrepoids à l’Egypte de Sadate.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.634 et 648-651 ]

La Syrie parvient à asseoir son autorité sur l’essentiel du Liban. Les Palestiniens se retrouvent cantonnés au Liban sud – où ils sont harcelés tant par l’armée israélienne qui multiplie les bombardements que par leurs milices chrétiennes alliées.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp. 671, 680, 688-690, 699 et 706-709 ]

 

Les bombardements et les combats – quasi ininterrompus depuis 1975  – exaspèrent les populations, majoritairement chiites, du sud Liban qui décident de prendre les armes. En janvier 79, une milice chiite affronte l’OLP – tenue responsable des bombardements israéliens.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, p.808 ]

La politique de la “punition collective” voulue par Golda Meir, ces bombardements contre les populations libanaises semblent porter leurs fruits. Les chrétiens de la montagne d’abord puis, à présent, les chiites du sud Liban se retournent contre les Palestiniens. Israël, alors dirigée par la droite de Menahem Begin, décide d’accentuer ses frappes sur le sud Liban et les positions palestiniennes. L’OLP, menacée comme jamais au sud Liban, tente de se militariser davantage, ripostant tant contre les milices que contre Israël.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp.824, 828, 835, 850-851 ]

 

Ariel Sharon, alors ministre de la Défense, pense que les bombardements ne suffiront pas à détruire l’OLP au Liban. Il prépare alors une opération de force : l’opération “Paix en Galilée.

Le 6 juin 82, avec l’aval des Etats-Unis, 25 000 soldats israéliens pénètrent au Liban, bien appuyés par l’aviation et les tirs d’artillerie. La débâcle de l’OLP est totale : ses soldats, mal préparés à une guerre de terrain, sont obligés de se replier vers Beyrouth et dans les camps de réfugiés, en essuyant de lourdes pertes.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp.920-922 et Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 5 – La paix impossible (1982-2001), 2015, p.12-13 ]

Les populations civiles de Saïda et Tyr – les deux villes côtières du sud Liban – sont rassemblées sur les plages pour que les soldats puissent identifier les “terroristes” pro-palestiniens. Les personnels civils de l’OLP ainsi que les services médicaux et éducatifs sont humiliés et arbitrairement détenus.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 5 – La paix impossible (1982-2001), 2015, p.19 ]

Sharon impose un rude blocus de Beyrouth, poche de résistance principale des Palestiniens. Parquée dans une prison à ciel ouvert, privée d’eau, de vivres et d’électricité et soumise à des bombardements que le président Reagan a qualifié “d’holocauste”,  la population de Beyrouth est exsangue.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 5 – La paix impossible (1982-2001), 2015, pp.31 et 42 ]

 

Un consensus émerge dans la société libanaise : l’OLP doit partir. La question est vers où ?

L’OLP négocie avec la Ligue arabe et c’est la Tunisie de Habib Bourguiba qui accueillera Arafat et ses hommes. L’évacuation des Palestiniens se fait sous protection de la Légion étrangère française et de la VIème flotte américaine.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 5 – La paix impossible (1982-2001), 2015, pp. 31, 34 et 41-46]

 

Sur le moment, Israël apparaît comme vainqueur mais c’est sans compter sur deux faits aux conséquences désastreuses.

D’abord les conséquences de la tragédie du massacre de Sabra et Chatila. Si les soldats de l’OLP ont quitté le Liban pour Tunis, ce n’est pas le cas des nombreuses populations de réfugiés palestiniens civils.

Le 16 septembre 1982 à 17h, 500 à 600 Phalangistes pénètrent dans les camps de réfugiés de Sabra et de Chatila situés en plein cœur de Beyrouth et se livrent à un massacre terrible qui dure 24 heures.  Des femmes et enfants ont été tués, souvent à l’arme blanche. Un hôpital a été pris pour cible, patients et soignants – à l’exception de quelques européens – ont tous été massacrés.

Le bilan oscille entre 1390 et 3500 civils palestiniens massacrés. L’incertitude sur les chiffres L’hésitation vient du fait que de nombreux corps ont été ensevelis au bulldozer.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 5 – La paix impossible (1982-2001), 2015, pp.58-60]

Les miliciens chrétiens étaient assoifés de vengeance après l’assassinat de leur chef – Pierre Gemayel. Les Palestiniens n’y étaient pourtant pour rien, Gemayel a été tué par un Libanais de gauche pro syrien.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 5 – La paix impossible (1982-2001), 2015, p. 54]

Mais pour les milices chrétiennes qui, depuis 75, ont déjà commis des massacres à Beyrouth, dans les camps de la Quarantaine et de Taal al Zaatar, faire couler le sang des civils palestiniens n’a jamais été un problème.

[ Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp. 630, 632, 658-659 ]

Surtout qu’ici, les milices de Gemayel ont été largement guidées et encouragées par l’armée israélienne d’Ariel Sharon. La veille du massacre, Sharon se rend à l’enterrement de Gemayel et envoie Amir Drori – le commandant des forces israéliennes à Beyrouth – organiser avec les milices chrétiennes leur entrée dans les camps. Ainsi que les enquêtes officielles israéliennes et journalistiques l’ont montré, les soldats israéliens ont stoppé leur bombardements pour permettre aux miliciens de pénétrer dans les camps et depuis leur poste d’observation, ont tiré des fusées éclairantes pour faciliter le massacre des miliciens. Ils ont aussi fait des tirs de barrages pour empêcher les réfugiés palestiniens de fuir.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 5 – La paix impossible (1982-2001), 2015, p. 57-59 ]

Le massacre de Sabra et Chatila fait scandale à l’international, mais aussi en Israël, où des députés de gauche accusent Sharon et pointent la responsabilité d’Israël. Le plus grand mouvement pacifiste de gauche de l’époque, La paix maintenant, réunit 400 000 citoyens dans la rue pour protester, environ 10 % de la population israélienne. C’est absolument énorme ! Dites-vous que c’est comme si dans la France de 2024, on avait 7 millions de personnes dans la rue.

[ SOURCE : Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 5 – La paix impossible (1982-2001), 2015, pp. 68-69 et INSEE, Population au 1er janvier Données annuelles de 1990 à 2024 ]

C’est alors tout simplement la plus grande manifestation qu’Israël ait jamais connue.

On voit qu’à l’époque, il y a une partie importante de la société israélienne, souvent de gauche, qui veut la paix avec les Palestiniens, et qui dénonce les massacres dont Israël est auteur ou complice. Ces manifestations de masse de la société civile israélienne ont abouti à un commission d’enquête, la Commission Kahane, qui a établi la responsabilité lourde d’Israël dans ce massacre, et notamment de Sharon, qui a dû démissionner de ses fonctions de ministre de la Défense.

 

L’autre conséquence désastreuse pour Israël de cette Guerre du Liban, c’est l’émergence du Hezbollah, milice chiite du Sud Liban.

Avec le harcèlement et les bombardements incessants sur les populations civiles, les chiites ont commencé à s’armer et à lutter, d’abord contre les Palestiniens puis contre Israël et leurs alliés chrétiens. Cette lutte locale a rapidement trouvé un soutien international : la toute jeune République islamique d’Iran.  l’Iran des mollahs. 

A partir de 1979 et la prise du pouvoir en Iran par l’ayatollah Khomeiny, les chiites du sud Liban vont devenir un rouage essentiel de la politique régionale iranienne. Dès novembre 79, des militaires iraniens sont envoyés au Liban pour former les miliciens chiites. Le 15 décembre 1981, un chiite libanais détruit l’ambassade d’Irak – alors en guerre contre l’Iran – dans ce que l’histoire retiendra comme le premier attentat suicide du proche orient. Enfin, en juin 1982 est créé le Hezbollah – parti de Dieu en arabe – qui va rapidement devenir le parti politique et la milice hégémonique chez les chiites libanais.

[ Henry Laurens, La Question de Palestine – Tome 4 – Le rameau d’olivier et le fusil du combattant (1967-1982), 2011, pp 835 et 906]

Les chiites libanais, sous l’influence de la révolution khomeyniste, ont pris les armes et ont commencé à attaquer quasi quotidiennement les forces israéliennes repliées dans une étroite zone de sécurité au Sud-Liban. Tsahal y a perdu 265 soldats, jusqu’à son retrait en 2000.

[ SOURCE : Charles Enderlin, Au nom du Temple : Israël et l’irrésistible ascension du messianisme juif (1967 – 2013), 2013, p.84 ]

La Guerre du Liban a donc permis à Israël de chasser l’OLP loin de la frontière mais a aussi créé un nouvel ennemi d’Israël : le Hezbollah chiite qui règne en maître sur le Sud Liban encore aujourd’hui.

 

Malgré cela, la Guerre du Liban a été un des moments essentiels de la structuration du mouvement israélien pour la paix, un mouvement qui a eu une importance capitale pour aboutir aux négociations entre Arafat et Rabin dans les années 90. Un mouvement qui, malheureusement, est bien faible aujourd’hui, dans une société israélienne qui s’est radicalisée. On y reviendra.

Une autre conséquence importante du dénouement de la guerre de Sharon au Liban, qui va dans le même sens que le mouvement de la paix, c’est que le nouvel exil d’Arafat en Tunisie, loin d’Israël donc, a amené l’OLP à se tourner encore plus résolument vers l’outil du droit international et de la négociation pour faire avancer la cause palestinienne.

Tout au long des années 80, Arafat a mené des négociations secrètes avec une partie de la gauche israélienne. Ces négociations n’ont rien donné sur le moment, la gauche israélienne n’avait pas le pouvoir à cette époque, mais ces négociations ont posé des bases pour d’autres, beaucoup plus importantes, dans les années 1990, avec Yitzhak Rabin.

Mais j’anticipe ! Il est encore un peu tôt pour vous parler de ce moment où beaucoup ont cru que la paix était possible.

 

Conclusion

 

Aujourd’hui, on vous a raconté l’histoire de la résistance palestinienne en exil : l’émergence du leader Yasser Arafat, de son parti, le Fatah et de l’OLP, l’Organisation de libération de la Palestine.

De la lutte armée des années 60-70 à l’ouverture d’une stratégie de négociation, ce combat a souvent été un combat d’exilés, mené de l’extérieur.

Maintenant, est venu le moment de vous raconter ce qu’il s’est passé d’important pendant tout ce temps-là “à l’intérieur”, en Israël bien sûr, mais aussi en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, dans les territoires occupés après la Guerre des 6 Jours de 67.

On va vous raconter la construction d’Israël et de son État social, l’arrivée des réfugiés juifs sépharades chassés dans les années 50 des pays arabes qu’ils habitaient depuis parfois des millénaires. On abordera aussi la droitisation d’Israël dans les annés 70 jusqu’à la première victoire du Likoud, après 50 ans de domination travailliste,

On explorera les débuts de la colonisation des territoires occupés, la naissance et l’essor du sionisme messianique, le courant religieux extrémiste qui considère que toute la Palestine appartient à Israël de droit divin.

Tous ces évènements nous aideront à comprendre ce qu’est devenu Israël aujourd’hui, à saisir avec la profondeur de l’Histoire l’idéologie qui anime des ministres ultra extrémistes de Netanyahu comme Itamar Ben Gvir ou Bezalel Smotrich, et toute une partie de la société israélienne radicalisée.

On vous parlera enfin de la vie difficile des Palestiniens dans les territoires occupés, et de la longue complaisance d’Israël pour un mouvement islamiste issu des Frères musulmans, un mouvement opposé au Fatah laïc d’Arafat, qui s’est développé à Gaza sous la direction d’un certain Cheik Yassine. Vous l’avez compris, c’est ce mouvement qui plus tard est devenu le Hamas. Et oui, les islamistes n’ont pas toujours été les pires ennemis d’Israël.

Vous le voyez, on a un programme solide ! Après ça, on pourra ouvrir les années 90-2000, de la première intifada au retrait unilatéral de Gaza par Sharon et à la prise de pouvoir du Hamas, des négociations de paix, de Yitzhak Rabin à Ehud Barak, aux attentats suicides et la montée des extrêmes, dans la société palestinienne comme en Israël, qui ont fait échouer ces tentatives.